La fête à Liorac

Voici un autre témoignage d'Annie LEYGUE qui évoque ses souvenirs de la fête à Liorac :
elle habitait Périgueux avec ses parents et sa soeur aînée mais venait régulièrement à Liorac chez ses grands-parents maternels et ne manquait jamais la fête à Liorac, en général le 3ème dimanche de septembre pour la fête de Côme et Damien.
Annie m'a fourni un texte, un grand merci d'avoir partagé ces souvenirs !

Les grands parents d'Annie, Léonce Chassagne et Albertine Piel, tenaient une des deux boulangeries de Liorac ainsi qu'un des deux cafés de la commune.

Du plus loin que je m’en souvienne, nous n’avons jamais manqué une fête à Liorac. C’est un évènement pas seulement pour nous, mais pour tous les habitants du village.
Ce jour-là, dans les maisons, tous les membres d’une famille se réunissent autour d’un copieux repas. Chez Mamie, c’est l’occasion de recevoir oncles, tantes ,cousins et cousines. Ils sont tous là, prêts à donner un coup de main, car il y a du monde pour la fête , beaucoup de monde ! Nos grands-parents en plus de la boulangerie, tiennent aussi un café. Il faut servir, laver très vite les verres qui s’entassent.
Les jours précédents la fête*, les forains** se sont installés le long de la route dans le bourg et sur la place de la mairie.
Le dimanche matin, la musique diffusée par des hauts-parleurs, nous réveille. Nous ne paressons pas au lit ce jour là ! Déjà la veille au soir , la fête a commencé avec le bal : un parquet de bois installé sur la place, un orchestre, des flonflons…. A midi , toute la famille se régale de la poule au riz préparée par notre grand-mère.
Peu à peu, le bourg se remplit de promeneurs. Ils sont de plus en plus nombreux au fil des heures. Ils arpentent, endimanchés, la rue principale, de haut en bas du village, s’installent un moment à la terrasse de notre café : les serveurs du dimanche sont au travail (plus grandes nous apporterons notre aide ).

Ma sœur et moi, munies de notre porte monnaie, allons de stand en stand.
Ici nous jouons au tourniquet, les lots sont pour nous merveilleux : ravier, presse-citron, vase en verre rose ou blanc…, là nous achetons des bonbons, ailleurs nous ne savons quels jouets choisir.
Parfois dans le café, l’alcool aidant, les esprits s’échauffent et des bagarres éclatent. Je déteste cela ! J’ai peur. Nous nous réfugions en haut dans la chambre à la demande de notre grand-mère, jusqu’à ce que le calme revienne. Une fois, Papa a voulu mettre bon ordre et s’est mêlé aux protagonistes, des jeunes le plus souvent ! J’étais terrorisée.

Le dimanche soir arrive très vite, trop vite. Plus tard que d’habitude, nous devons repartir. Nous sommes un peu étourdies par ces deux jours de festivité . Vivement l’année prochaine !

* Plusieurs jours avant, des guirlandes électriques et des haut-parleurs avaient été installés dans le bourg (par Mr Vincent venu d'un village voisin). L'installation prenait plusieurs jours mais tout fonctionnait au début de la fête !
Des camions avaient amené le plancher et la structure pour le bal : le bal avait lieu le samedi soir et continuait le dimanche. A cette époque, les bals de village attiraient beaucoup de jeunes, c'était un peu les "réseaux sociaux" de l'époque.
** Si je me souviens bien, il y avait un manège, des jeux, un stand de pêche à la ligne, un stand de tir à la carabine, des marchands de friandises (des nougats rouges bien durs et des nougats blancs un peu collants). De quoi ravir un enfant autrefois !


D'autres personnes ont accepté d'ajouter leurs souvenirs. Un grand merci ! Ainsi Annie Ribeyrens raconte :
dans les années 70,fin septembre il faisait déjà froid , mes filles portaient déjà leur manteau d'hiver. De nos jours, il fait encore chaud en septembre (les effets du réchauffement climatique !) Annie se souvient qu'à la fête il y avait :
○ un manège pour enfants,
○ un stand de pêche à la ligne pour attraper des canards en plastique, pour les enfants,
○ un stand de tir à la carabine pour détruire des pipes ou des ballons de baudruche, pour les plus grands,
○ un stand de boîtes de conserves empilées en pyramide qui devaient tomber si le lanceur de balles était adroit,
○ une course en sac (sacs de patates vides),
○ un jeu de rampeau (jeu de quilles)
○ un stand de friandises variées et de petits objets qui ne servent à rien mais que les enfants adorent,
○ une course de vélos (qui peut le confirmer ?),
○ un bal populaire dans une salle démontable installée sur la place de la mairie
○ un feu d'artifice clôturait la fête.
Il me semble qu'à un moment donné il y a eu des enfants costumés descendant la route depuis le haut du bourg jusqu'à la place de l'église.
Chez ma belle-mère, toute la famille était réunie pour déguster un bon repas ! En général c'était : soupe de la poule avec des perles du Japon, foie gras, poule au pot farcie (farce noire), gigot d'agneau avec des haricots à la périgourdine. Un hachis d'ail, persil et lard était ajouté en fin de cuisson dans les haricots. Le repas se terminait par un super gâteau, un massepain Recette ICI" que ma belle-mère confectionnait . Elle le faisait cuire dans une cocotte en fonte, avec son couvercle, qu'elle portait dans la cheminée. Dessus et dessous, elle posait des braises de sarments de bois dont la chaleur cuisait le gâteau doucement. Il mesurait au moins 12 cm de hauteur et 20 cm de diamètre. C'était un gâteau préparé avec uniquement de la fécule de pommes de terre, une douzaine d'oeufs dont les blancs étaient montés en neige, du sucre et 2 sachets de levure alsacienne. Ce qui me surprenait, c'est qu'elle tournait sa préparation avec une cuillère en bois sans la soulever pendant 10 minutes. (Aujourd'hui, on nous dit qu'il faut soulever le mélange lorsque l'on a incorporé des blancs en neige pour faire rentrer de l'air) !!!. Ce gâteau était très léger, on aurait dit que l'on mangeait de l'air. Pour accompagner le gâteau, elle préparait des oeufs à la neige (île flottante parfumée au rhum) .



Souvenirs personnels :
Si les enfants étaient naturellement attirés par les stands des forains et par les jeux organisés, les jeunes adultes venaient surtout pour le bal. Mais pour les adultes, le plus important était le repas de famille où l'on rencontrait ceux qu'on n'avait pas vus pendant une année et où l'on mangeait (et buvait !) plus que de raison.

Je crois que cette fête à Liorac, correspondait tous les ans à une "hécatombe de vieiles poules". Chez moi, ma grand mère la réservait dans une ferme plusieurs mois avant la fête. La poule était farcie d'une "farce jaune", composée de pain rassis, d'un hachis de lard et de jambon du pays, d'oeufs, du foie de la volaille , échalottes, ail et persil, poivre. La "farce noire" était composée des mêmes ingrédients en y ajoutant le sang de la poule.
La poule était bourrée de farce, recousue à la ficelle et cuite pendant plusieurs heures dans un grand récipient d'eau bouillante parfumée avec tous les légumes d'un pot-au feu, carottes, navets, chou, poireaux et céleri sans oublier l'oignon piqué de clous de girofle. La maison embaumait...
Outre la poule au pot, il y avait des incontournables comme le "gigot-haricots", et bien sûr "le foie gras" (à la maison on le mangeait après le rôti avec de la salade (une vraie hérésie !).
Le repas commençait bien sûr par l'apéritif : Martini ou vin doux (Banyuls) pour les dames, vin blanc, Dubonnet ou pastis pour les hommes. Les enfants avaient de la limonade pour "trinquer".
L'entrée : souvent des grands plats d'oeufs mimosas et de paniers de tomates farcies au thon-mayonnaise. C'était une des rares apparitions d'un légume. Parfois ma mère préparait un colin froid joliment décoré. Suivait la poule et ses belles tranches de farçi. Parfois un plat en sauce (par exemple des paupiettes de veau avec des champignons. Puis le rôti en général un beau gigot : c'était toujours mon grand-père qui coupait des tranches fines après avoir aiguisé le couteau. Les haricots blancs avec du hachis et des haricots verts accompagnaient le gigot. Ensuite le foie gras ...
Le plateau de fromages était réduit à sa plus simple expression (on n'en mangeait pas beaucoup en Dordogne), des cabécous et du gruyère.
Les desserts : tartes au fruits, baba au rhum, et une "spécialité " de ma grand mère : "les nègres en chemise". Il s'agissait de biscuits à la cuillère coupés à la base, imbibés d'alcool , rangés debout sur un plat et recouverts à moitié de chocolat noir fondu. Il y avait ainsi le noir pour la tête et le blanc du sucre du biscuit pour la chemise. Un dessert idéal après un repas "léger" !!!
Voilà pour la nourriture, mais il ne fallait pas oublier les boissons : mon grand-père avait une cave bien garnie. Il remontait bouteilles depuis la cave pour chambrer les vins rouges.
Quand c'était une très bonne bouteille, il mettait le vin en carafe. Il y avait un vin pour chaque plat et les cadavres de verre s'entassaient ...
Le repas se terminait par le café et le pousse-café. C'était l'occasion pour ma grand-mère d'offrir de la liqueur de cassis ou du "genièvre des côteaux" (baies de genièvre macérées dans le l'eau de vie de prunes. ou des cerises ou des prunes à l'eau de vie. A ce moment les enfants avaient le droit faire un canard, c'est à dire de tremper un sucre dans le café.
On avait passé plus de 4 heures à table. Les convives se levaient et allaient faire un tour à la fête. Les enfants étaient ravis de bouger un peu (à cette époque pas question de quitter la table). Mon père nous gagnait souvent un lot en tirant à la carabine. Et puis les hommes descendaient faire une belotte au café Chaverou et bien sûr ils prenaient des consommations. En remontant, arrêt à l'autre café, chez Chassagne et là encore l'apéritif ! Vers 7h, les invités se remettaient à table avec entrain : le bouillon de poule avec du vermicelle était servi en premier et les hommes faisaient chabrol. Les restes de gigot et de poule étaient ensuite mangés froids avec de la mayonnaise et des cornichons. Chacun piochait selon son envie. Et il restait des desserts...
Ce qui est étonnant, c'est qu'avec un tel régime, personne n'a jamais été malade ! Par contre, certains amis repartaient en voiture, mais il n'y avait pas d'alcotest à cette époque... (et heureusement fort peu de circulation).

@ Marie-France Castang-Coutou
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