Les percepteurs de Liorac

Page mise en ligne le 31 décembre 2020         

les impôts
Jusqu'à la Révolution, les habitants devaient verser des redevances au Seigneur et à l'Eglise, et cette lourde charge pesant exclusivement sur le Tiers Etat fut un des facteurs déclenchants de la Révolution : la révolte contre l'injustice fiscale et les privilèges est l'une des causes principales du soulèvement de 1789. Les prélèvements seigneuriaux et ecclésiastiques furent supprimés et l'Etat eût alors le monopole fiscal.
En 1791, la Constituante vota quatre "contributions" directes ("contribution", pour éviter le terme d'impôt) qui existèrent pendant tout le XIXe siècle :
► la contribution foncière qui taxait les terrains
► la contribution personnelle et mobilère taxant les rentes et revenus industriels
► la patente taxant les professions
► la contribution sur les portes et les fenêtres, basée sur le nombre de portes et de fenêtres des habitations. Cet impôt a existé jusqu'en 1926 !

la collecte des impôts
Au début du XIXe siècle, la collecte des impôts est un véritable souci pour l'Etat qui ne dispose pas encore d'un corps de fonctionnaires formés et compétents . La réorganisation de l'administration fiscale prend du temps et les finances du pays en pleine guerre avec les pays d'Europe ne sont guère brillantes. Il faut donc faire au mieux. Un maillage de trésoreries locales dirigées par des percepteurs des contributions directes est mis en place et les habitants peuvent venir payer leurs "contributions" sans trop se déplacer. Un receveur départemeental chapeaute les percepteurs. La nomination des percepteurs revient à l’État, sur proposition du préfet qui doit seulement s’assurer que les candidats disposent de "l’instruction suffisante", c'est à dire qu’ils savent chiffrer et calculer : ainsi les réelles capacités du candidat ne sont guère prises en compte. Plus tard, l’ordonnance du 31 octobre 1839 instituera un stage obligatoire de deux ans (le surnumérariat) pour former les futurs percepteurs : pendant son stage, le surnuméraire devait apprendre le métier auprès des employés de la recette des Finances, accompagner le receveur dans ses tournées de contrôle, enfin assurer l’intérim de perceptions vacantes. Mais en attendant cette formation, ce furent surtout les notables locaux puis des anciens militaires qui assurèrent le rôle de percepteur.
Ces percepteurs étaient donc les fonctionnaires chargés du recouvrement des contributions directes pour le compte de l’État, mais ils étaient également en charge de la gestion des comptes des communes : en accord avec le Conseil Municipal, il s'agissait d'établir le budget annuel de la commune, de régler les dépenses du bureau de bienfaisance, les assistances aux vieillards, femmes en couches et familles nombreuses.
Tout comme le maire, l'instituteur et le curé, le percepteur était un personnage important dans la commune.
LIORAC A EU UNE PERCEPTION PENDANT PLUS D'UN SIÈCLE
Selon les anciens du village, la perception était en haut du bourg, dans la maison située dans le virage.
Voici une liste des percepteurs qui ont exercé à Liorac : les dates qui précèdent le nom correspondent aux périodes pendant lesquelles le percepteur a pratiqué de façon certaine à Liorac selon les sources consultées (voir plus bas les références), mais il reste des "trous" par manque de documents. En particulier la fâcheuse disparition des rapports du Conseill Munipical du XIXè siècle à la mairie de Liorac empêche une étude plus complète.

1 1811-1841 Jacques Guillaume GUILBERT de LATOUR Né à Libourne en 1774, fils de Edme Guilbert de la Tour et de Dame Françoise de la Lande. Il était propriétaire, et habitait au Vieux Liorac. Il épousa en 1797 à Liorac Marie Pourquery de la Bigotie (fille de Léon Pourquery de la Bigotie et de Jeanne Grenier de Monlong, née à la Roche).
Il fut maire de Liorac de 1801 à 1812.
Comme nous l'apprend le calendrier de la Dordogne, en 1811 Liorac avait 591 habitants et Jacques Guillaume GUILBERT de LATOUR était maire et également percepteur pour trois communes, Liorac, Saint Félix et Saint Marcel. A partir de 1826, son "rayon d'action" s'élargit et des communes supplémentaires sont rattachées à la perception de Liorac : Mouleydier, Sainte Foy de Longas, Grand Castang, Pessignac et Vicq, au total 8 communes, donc une charge de travail conséquente. En 1829, la commune de Saint Sauveur est ajoutée à cette liste. Il poursuit ses fonctions jusque vers 1848.
Les recensements indiquent qu'il est toujours percepteur en 1841 mais qu'en 1846 il a quitté ses fonctions et est redevenu simple "propriétaire". Veuf, il décéde au Vieux Liorac en 1857 à l'âge de 83 ans .

2 1849-1851 Jean Chrisostome DANIAS Né le 28 mai 1817 à St Pardoux de Drône, fils de Emery Danias, instituteur et de Véronique Magne. Il est percepteur des contributions directes à Liorac et il habite aux Bigayres lorsqu'il épouse Marguerite Elodie Dusolier en 1849 à Ribérac (informations confirmées par le recensement de Liorac en 1851). Deux enfants naissent aux Bigayres en 1850 et 1851.
Après Liorac, il occupe plusieurs affectations (Lanouaille, Grignols...) et le couple a de nombreux enfants.
Il prend sa retraite à Ribérac où son épouse décède en 1891. Il lui survivra jusqu'en 1896.

3 1854-1879 Guillaume Jean Alfred RIQUET Né en 1819 à Orignolles (Charente Maritime), fils de Jean Riquet, agriculteur et maire et de Marie Agathe Nau.
Il est percepteur à Liorac et réside lui aussi aux Bigayres. La perception de Liorac couvre à présent sept communes : Liorac, Baneuil, Cause de Clérans, Pressignac, Saint Félix, Saint Marcel et Vicq. Il prend sa retraite et décède à Orignolles en 1881. Il est resté célibataire.

4 1879-1885 Guillaume Georges JOUSSEIN Né en 1852 à Cubjac (24), fils de Jean et Marie Gagnerie propriétaires. Il est d'abord percepteur surnuméraire à Monpazier, puis il est nommé percepteur à Liorac (5ecl) par arrêté ministériel du 4 décembre 1879 en remplacement de Mr Riquet retraité. Il ne restera pas longtemps à Liorac. puisqu'en 1885, il est nommé percepteur à Monpazier (4e cl) : il épouse en 1886 à Labachellerie Léonarde Amélie Labrousse Fonbelle, la fille du maire de Labachellerie. Il est alors percepteur à Labachellerie, plusieurs enfants naissent à Labachellerie, mais il "voyage" beaucoup sans doute pour obtenir des promotions : on le retrouve en 1890 percepteur de 3e classe à Ste Afrique (Aveyron) et en 1892 percepteur de 2ème classe à Aubusson (Creuse).

une véritable série noire va frapper les 3 percepteurs suivants : révocation, mort précoce et même suicide.

5 1885-1891 Léon VIDAL Ex-maréchal des logis au 1er régiment de dragons est nommé percepteur 5e classe à Liorac en 1885 en remplacement de Mr Joussein nommé à Monpazier. Sur le recensement de 1891, il est noté comme percepteur, habitant le bourg, âgé de 36 ans, célibataire. Il est révoqué en 1891 (on n'en connait pas la raison) et remplacé par mr DURET en provenance des Basses Alpes.

6 1891-1892 François Claude DURET Né en 1861 à Carpentras, fils de Joseph Duret et de Delphine Chivallier. Il était percepteur à Senez (Basses Alpes) lorsqu'il fut nommé à Liorac en remplacement de Mr Vidal révoqué. Pendant son mandat, il habitait le bourg de Liorac, mais il mourut à Liorac en 1892 à l'âge de 30 ans, ce qui est fort jeune. Il avait fait normalement son service militaire en 1882 à Avignon et n'avait pas, du moins à cette époque, de maladie déclarée.

7 1892-1894 Jean METON
(METOU, METHOU)
Né en 1854 à St Front de Champniers (actuellement St Front sur Nizonne) de Jean et Charlotte Jolivet. Il fut maire de Quinsac. Il remplace en 1892 à la perception de Liorac mr Duret décédé avec le grade de 4e classe. En poste à Liorac, il épouse en secondes noces, le 12 février 1894 à Excideuil, Marguerite Lagrézas, fille d'Antoine et Anne Marty, négociants . Un mois plus tard, le 22 mars, il se suicide comme le rapporte le journal "La Lanterne" du 23 mars 1894 (source gallica bnf.fr). L'acte de décès enregistré sur les registres de la commune de Saint Vincent de Paul (33) a été transcrit sur les registres de la mairie de Liorac.


8 1894 CHEVALIER Très vite ce percepteur surnuméraire remplace Mr Meton décédé. Mais il ne fait qu'une courte apparition à Liorac, puisqu'il est nommé 4e classe à Bouniagues l'année suivante.

9 1895-1896 BUSQUET La liste des sous-officiers classés pour un poste de percepteur est publiée le 1er janvier 1894 : Mr Busquet, adjudant au 6e Regt d'Artillerie est dans la liste et le 24 décembre 1895 il est nommé percepteur 4ecl à Liorac mais je n'ai trouvé aucune autre information. Y a-t-il une relation avec la famille actuelle de Liorac ? On trouve fin mai sa demande de permutation : "jeune homme sérieux, disponible fin mai par suite de la mise au courant du titulaire, demande emploi, ferait des remplacements. S'adresser à Mr Busquet percepteur à Liorac."

10 189? -1903 ASSEMAN Henri Louis Constant Né en 1867 à Hondeghem (Nord), fils de François et Reine Sophie Spinnewyn. Il est noté percepteur de Liorac sur le recensement de 1901 : il avait alors 34 ans. Marié en 1903 à Bergerac avec Louise Marie Merly. Nommé à Bouniagues en 4e classe, il quittera Liorac en 1903. Il décède à Fréjus en 1939.

10 1904-1908 VILLADARY Jean Joseph Né à Laforce en 1867, adjudant de bataillon au 88e RI (Gers), marié en 1902 à Brantôme avec Julie Louise Eunice Roux. Il est nommé percepteur 4e classe à Liorac en 1904. Deux enfants naissent à Liorac, une fille en 1905 et un garçon en 1907. En 1908, il est muté à La Mothe Montravel avec une promotion (passage 3e classe).

11 1908-1911 LARROQUE Camille Hippolyte Né en 1874 à Pampelonne (Tarn) de François Guillaume Larroque et Julie Prat. Marié en 1905 à Toulouse avec Marguerite Marie Julie Gieules. Adjudant au 23e Régiment d'Artillerie en garnison à Toulouse, il fait partie en 1908 des candidats retenus pour le poste de percepteur. Il est nommé à Liorac 4e classe, le 15 aoüt 1908. Une fille naît à Liorac en 1910. En mars 1911, il quitte Liorac pour une nomination de 4e classe à Castelnau-Picampeau (Hte Garonne).

à partir de là, il n'y a plus beaucoup d'informations essentiellemnt à cause de la période de guerre : les recensements de population ne sont plus réalisés et le mémorial des percepteurs n'est plus publié, aussi seuls quelques indices permettent de terminer la liste des percepteurs de Liorac.

12 1921 LABEILLE Jean Marie Né en 1878 à Domme. Son père était un sergent en retraite. Il épouse en 1903 à Daglan Marie Miermont. En 1904 il est commis de perception aux Sables d'Olonne et il demande un emploi de percepteur. Il doit l'obtenir puisqu'on le trouve à Tarascon où deux enfants naissent en 1905 et 1909. L'absence des numéros du Mémorial des percepteurs empêche de suivre ses déplacements, mais on le retrouve comme percepteur sur le recensement de Liorac de 1921 et il est l'un des derniers percepteurs de la commune.

13 1926 AUCHIER Je n'ai pas trouvé d'information le concernant sauf l'indication "qu'AUCHIER de Liorac est nommé 2e classe sur place le 15 août 1926". Il est le dernier percepteur de la commune. Après la fermeture de la perception, il est muté le 15 janvier 1927 à Saint Julien de l'Escap (Charente inférieure).

en effet, en décembre 1926, l'administration des finances supprime plusieurs perceptions en Dordogne dont celle de Liorac. L'histoire se termine donc là !

La disparition des services publics de proximité que l'on connait aujourd'hui dans les campagnes a donc commencé à Liorac en 1926. Terminée la relation de confiance avec des fonctionnaires locaux et un siècle plus tard internet a remplacé tout relationnel. Nous avons changé de siècle !
SOURCES :
► Mémorial des percepteurs et receveurs des communes, hôpitaux publics, bureaux d'aide sociale et autres établissements publics communaux Tous les numéros (mensuel, 1863-1938) sur gallica : ICI
► calendriers aux Archives de la Dordogne : ICI
► Les dénombrements de population et les registre d'état civil ont été systématiquement consultés pour retrouver la filiation des percepteurs qui ont exercé à Liorac : sur le site des AD de la Dordogne : ICI
► Au service de l'État - Chapitre III. L’accès au métier - Presses universitaires de Rennes,2008, Jean Le Bihan.
► Fonctionnaires et mobilité géographique au XIXe siècle: l'exemple des percepteurs des contributions directes, Travail et Emploi, 2011, Jean Le Bihan. Jean Le Bihan, « Fonctionnaires et mobilité géographique au XIXe siècle. L’exemple des percepteurs des contributions directes », Travail et Emploi [En ligne], 127 | juillet-septembre 2011, mis en ligne le 25 février 2014,

@ Marie-France Castang-Coutou
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