La ville neuve était généralement fondée sur un terrain désert sur une propriété rurale. Comme nous venons de le voir, les populations y étaient attirées par des libertés politiques et civiles qui tranchaient de façon quasi révolutionnaire avec les excès du régime féodal.
Ces fondations de villes neuves répondent à un certain nombre de caractéristiques architecturales.
Voyons en images quelques points communs qui relient ces quatre fondations.
ARCHITECTURE DES BASTIDES
L'agent du fondateur d'une ville neuve prévoyait le plan à l'avance suivant un tracé précis et ordonné. Le plan de la ville était ensuite tracé sur le terrain puis les lots étaient répartis auprès des populations alentour invitées à rejoindre un projet fondé notamment sur l’égalité et l’allègement du poids de la structure féodale.
Le contraste entre les ruelles étroites et sinueuses des bourgs médiévaux et le plan géométrique de la plupart des bastides est frappant.
En effet au Moyen Âge, les populations construisaient leurs maisons de façon parfaitement anarchique, sans plan d'ensemble, se regroupant au plus près du château ou de l'église, les seuls bâtiments leur offrant une protection en cas d'attaque du village.
A l'inverse, le schéma des bastides s'organise autour d'une place centrale d'où partent des rues carrossables et des ruelles piétonnières "les carreyrous" qui se croisent à angle droit (C. Paoletti, BSHAP, 2016, p304)
► BEAUMONT DU PÉRIGORD Située sur une butte, avec une place centrale, ses rues perpendiculaires elle était protégée par des murailles. Cette bastide fut fondée en 1272 par Edouard 1er, roi d'Angleterre et est restée sous obédience anglaise jusqu'en 1442. la charte de la bastide fut ensuite confirmée par louis XI, roi de France.
► LALINDE Une bastide allongée en bordure de la Dordogne. C'était un port fluvial qui commandait le passage sur la Dordogne et qui était donc un point militaire stratégique pendant la guerre de 100 ans. La bastide de Lalinde fut fondée en 1267 par Edouard 1er roi d'Angleterre.
► MOLIÈRES Le roi d'Angleterre Edouard 1er, toujours lui, fit établir à Molières la bastide "St Jean de Molières", du nom du Saint patron de la paroisse (alors que Sainte-Marie est le vocable de l'église de la bastide). Il donna les privilèges à la bastide en 1285.
► MONPAZIER
Enfin, la quatrième bastide de la Communauté de Communes, Monpazier, fut également fondée par le roi d'Angleterre Edouard 1er en 1284. Ainsi quatre bastides, toutes les quatre anglaises.
PROMENADE EN IMAGES
Certaines bastides comme Monpazier ou Beaumont sont très bien conservées, mais pour d'autres seuls quelques vestiges demeurent.
Voici quelques photos des quatre villes neuves de la Communauté de Communes "des Bastides Dordogne-Périgord" qui présentent l'architecture caractéristique des bastides :
LES RUES : Les rues n'avaient pas toutes la même importances : Il y avait les rues principales ou charretières, qui comme leur nom l'indique permettaient aux charrettes de traverser la bastide. Les routes secondaires ou traversières, plus étroites, venaient les couper à angle droit. Enfin les ruelles ou "carreyrous" permettaeint d'accéder à l'arrière des parcelles. Les rues présentaient deux plans inclinés vers un caniveau central permettant l'écoulement des eaux. Le sol était recouvert de pavés et de galets.
LA PLACE CENTRALE : c'était le coeur de la bastide, le lieu de vie et de tous les échanges commerciaux, foires et marchés. Elle abritait le centre administratif de la bastide, la maison communale
LES CORNIÈRES La place était entourée par des galeries couvertes, les cornières, encore bien conservées à Monpazier et à Beaumont. Ces galeries étaient surplombées par les maisons. Elles permettaient aux habitants de circuler à l'abri des intempéries, et offraient aux commerçants et aux artisans une extension de leurs maisons où ils pouvaient exposer des marchandises.
Monpazier : la place centrale est ceinturée par des cornières. On aperçoit l'église toute proche. Beaumont a conservé ses cornières sur trois des côtés de la place.
Par contre , à Molières il ne subsiste plus que la maison du bayle, le représentant du seigneur, qui a conservé sa cornière.
LA HALLE : Une halle était souvent construite sur la place.
Les halles de Lalinde et Beaumont furent détruites puis reconstruites : elle sont à présent utilisées pour les marchés hebdomadaires. Celle de Monpazier accueille régulièrement le marché aux cèpes en période de pousse :
L'ÉGLISE: L'église était avec la place, un lieu essentiel à la vie de la cité et était souvent bâtie à proximité de la place
Cependant, pour des raisons financières elle n'était pas toujours construite dès la fondation de la bastide : la priorité était donnée aux installations civiles et surtout aux défenses de la nouvelle ville.
A Beaumont cependant, la très grande église fortifiée Saint-Laurent-et-Saint-Front fut commencée dès la fin du XIIIe siècle (la fondation date de 1272) et fut terminée au XIVe. Cette église conçue pour jouer un rôle défensif faisait partie des défenses de la bastide et pouvait accueillir les habitants de la bastide en cas d'attaque (il y avait même un puits à l'intérieur de l'église. Elle a été flanquée de quatre tours de défense.Le donjon nord de 30 mètres couronné de mâchicoulis a une claire fonction militaire.
Mais les travaux pour bâtir une église étaient considérables et coûtaient beaucoup d'argent aussi le chantier pouvait s'étaler sur de nombreuses années: par exemple, la construction de l'église St Dominique de Monpazier a duré plus d'un siècle !
A Beaumont, l'église est construite juste à l'extérieur de la place à un de ses angles.
A Monpazier, l'église est également construite à un des angles de la place : on aperçoit sur la photo de gauche le porche d'entrée de l'église St Dominique, à quelques dizaines de mètres de la place.
LES MAISONS :
Beaumont : Dans une rue un peu en retrait des remparts, des maisons fortifiées à étage avec des petites fenêtres servant de meutrières doublaient le système défensif des remparts. A l'un des angles de la place, une très ancienne maison avec des colombages (bois et torchis, mélange de terre et de paille) date de la fondation de la cité.
LES DÉFENSES :
A la création d'une bastide, le fondateur envisageait généralement des fortifications, ce que les habitants appréciaient particulièrement puisqu'elles étaient pour eux synonyme de sécurité ! Les fortifications prenaient plusieurs formes : fossés, buttes de terre ou remparts de pierre selon les bastides. Il pouvait même y avoir plusieurs enceintes successives, les maisonns situées près des remparts apportant encore une protection supplémentaire.
L'église de Beaumont se présentait comme une véritable forteresse et participait à la défense de la bastide : elle a en effet été placée contre l'enceinte et ses murs faisaient partie des fortifications au nord et à l'est . De plus ses tours constituaient un point d'observation parfait dans toutes les directions autour de la ville.
Les ramparts de Beaumont sont en pierre. La porte de Luzier, seule porte subsistante des 16 portes que comptaient les fortifications de la bastide : l'épaisseur du mur d'enceinte, les traces du logement de la herse et des gonds verticaux qui soutenaient les lourdes portes, laissent imaginer l'importance du système défensif de la cité. L'époque était loin d'être sûre et les bandes armées de mercenaires à la solde de l'un ou l'autre camp sillonnaient et pillaient régulièrement les campagnes. La tour de Bannes faisait à l'origine partie des remparts. Elle a été reconstruite quelques mètres plus haut
La bastide de Lalinde est construite le long de la Dordogne et on peut voir les fortifications côté rivière. Seule la porte de Bergerac construite en briques a subsisté.
La bastide de Monpazier a conservé ses remparts et plusieurs portes. Je n'ai malheureusement pas retrouvé de photos, mais pour les personnes intéressées, voici le lien vers un article de la Revue Secret de Pays qui montre plusieurs exemples :
ICI"
Pour terminer, je tiens à rappeler que ces pages constituent certes un aperçu des quatre bastides de la Communauté de Communes des bastides Dordogne-Périgord, mais qu'il y en encore beaucoup d'autres bastides intéressantes à visiter dans le département.
Sources :
◊ Les Bastides du Périgord. Albert Vigié
Disponible sur le site des Archives de la Dordogne ICI
◊ La revue "Esprit de pays"
◊ Jacques DUBOURG, Histoire des bastides d'Aquitaine, Editions Sud-ouest 1991
Histoire des bastides, Editions Sud-ouest 2002
Les bastides du Sud-Ouest, Editions Sud-ouest 2010
◊ Les photos de ces pages sont des photos personnelles.