Dans les années 50, Liorac avait encore des commerces, cafés, boulangeries et épiceries.
Au milieu du bourg, l'épicerie tenue par Jeanne Carbonnel et son frère Edmond avait des allures de cache aux trésors : on y trouvait de tout, nourriture, vêtements de travail, espadrilles, feutres, vaisselle, clous, outils, mercerie ...
L'épicerie était toujours ouverte, sauf le dimanche à l'heure de la messe, et l'on était toujours accueillis avec un sourire et on y trouvait presque toujours ce que l'on cherchait.
Voici quelques souvenirs qui ont été très largement complétés par Bernadette Boutade, petite nièce des Carbonnel. Qu'elle soit ici sincèrement remerciée.
La famille Carbonnel
Nos deux épiciers étaient nés de deux longues lignées de Lioracois: les Carbonnel et les Chassagne. En effet, Jean CARBONNEL, cultivateur puis sabotier, né à Genthial de Pierre et Marie Bannes, épousa en 1883 Elisabeth CHASSAGNE, née au bourg de Jacques Chassagne menuisier et de Marie Fileyssant. Après la naissance de quatre filles, Marie en 1884, Marie-Cécile en 1887, Jeanne-Marie en 1892 et Anne-Marie en 1894, un garçon nommé Pierre (dit Edmond) naquit en 1896. Ce sont Jeanne-Marie et Pierre-Edmond, restés célibataires, qui ont tenu l'épicerie dans le bourg pendant plusieurs décennies.
La boutique Au bord de la route, il suffisait de pousser la porte, une cloche se faisait entendre, une marche, et on était dans la caverne aux trésors !
En entrant à droite, le comptoir de bois avec la caisse et la balance et partout des étagères. L'une d'elle attirait particulièrement les regards des enfants : une rangée de hauts bocaux carrés, remplis de bonbons colorés : souvent mr Carbonnel en attrapait un , soulevait le couvercle et disait "prends en un" et on plongeait la main avec délices pour attraper le berlingot rouge que l'oeil avait repéré!
Tout attirait le regard, les barils de sardines, la morue salée pour le repas du vendredi,
les légumes, le régime de bananes suspendu à un crochet...
L'été on y achetait les bocaux de verre et les caoutchoucs pour faire les conserves de fruits.
On y trouvait aussi toutes sortes de papiers, papier sulfurisé, papier kraft et aussi des cahiers, des plumes sergent-major et les fournitures scolaires usuelles.
Beaucoup de denrées étaient vendues au détail selon les besoins du client: le café en grains, le poivre noir, le gros sel, les olives.
Mr Carbonnel ne laissait rien perdre : il récupérait tous les papiers d'emballage, les découpait en carrés qu'il suspendait par un coin à un crochet dans la boutique. Il suffisait alors de tirer un morceau pour fabriquer avec quelques agrafes une poche pour le sel ou un cornet pour les olives.
L'huile était tirée au tonneau.
Côté boisson, il y avait des bouteilles de vin, de la limonade et de la bière vendue au litre. En ce temps là, les bouteilles de verre étaient consignées et on les rapportait à l'épicerie.
Comment la boutique était-elle approvisionnée ? Les fournisseurs de Bergerac passaient prendre les commandes et les denrées étaient ensuite amenées à l'autobus à la halle de Bergerac : le car faisait l'aller-retour Bergerac-Le Bugue deux fois par jour et mr Carbonnel récupérait ses commnandes à son arrivée à Liorac.
Un marchand de fromage passait trois fois par semaine et apportait le beurre, les yaourts et les petits suisses qui étaient stockés dans un grand frigo. Avant lui, le beurre était descendu dans un panier dans le puits dans le jardin derrière la maison. C'est peut être un peu ce problème de conservation qui a conduit les cuisinières du Périgord à mitonner les plats à la graisse puis à l'huile et non au beurre. A l'épicerie on trouvait des fromages secs qui se conservaient bien comme gruyère, cantal, bonbel ou boule rouge.
La mercerie
Un peu plus loin à gauche, une deuxième pièce, le domaine exclusif de Jeanne Carbonnel, la mercerie : sur les étagères, des pièces de tissus, cotonnades et satinettes, pour faire robes et tabliers et une multitude de tiroirs où s'entassaient fils, aiguilles, cotons et laines.
C'était encore l'époque où les femmes, vieilles et jeunes, savaient coudre et tricoter. Il n'était d'ailleurs pas si loin le temps où les femmes réalisaient les habits de la famille ou tricotaient vestes et chaussettes le soir à la veillée, avec une lampe à pétrole qui n'éclairait guère et où les jeunes filles s'esquintaient les yeux à broder leur trousseau, et en marquer les différentes pièces !
Lieu de vie incontournable que cette épicerie, on y rencontrait les habitants des différents hameaux, les nouvelles s'y propageaient, les problèmes y étaient formulés, et Edmond Carbonnel écoutait, conseillait et souvent aidait.
Puis le commerce s'est arrêté. Les Carbonnel sont morts, Jeanne en 1975 et Edmond en 1982. Leur nièce Jeanne Boutade, a aidé son oncle à tenir l'épicerie pendant deux ou trois ans après la mort de Jeanne, puis la boutique a fermé définitivement ses portes. Depuis les super-marchés des environs ont pris la relève et le bourg de Liorac continue de mourir... DOMMAGE!