Fulbert-Dumonteil,
un Périgourdin, journaliste, écrivain
et chroniqueur gastronomique



Jean Camille Fulbert DUMONTEIL naquit en 1831 aux Mondeaux commune de Vergt, dans une famille bourgeoise issue d'une longue lignée de notaires. Son père était lui même notaire à Cendrieux.
Il reçut une solide éducation littéraire au Collège royal de Périgueux.
Il quitta ensuite le Périgord pour commencer son droit à Paris.
Après quelques mois dans l'administration parisienne, il se consacra entièrement au journalisme, collabora à plusieurs quotidiens et revues, écrivit une vingtaine de livres abordant des sujets extrêmement variés.

journaliste :
Membre de l’Association des Journalistes Parisiens, il écrit régulièrement dans plusieurs quotidiens, dont le Figaro.
En 1867, il y décrit, avec beaucoup d'humour et de sensibilité, presque avec tendresse (sans doute en souvenir des paysans périgourdins de son enfance) la visite d'un groupe de paysans et d'ouvriers venus à Paris depuis Mortagne (Orne) pour visiter l'exposition universelle.
Le Figaro le 24 juin 1867 : l'article complet est visible sur Gallica ICI sur Gallica.
Le texte est trop long pour être présenté en intégralité et je ne fais qu'en donner quelques extraits représentatifs du style alerte et pittoresque de Fulbert-Dumonteil.
LES PERCHERONS A PARIS
Hier, les francs-tireurs, demain les orphéonistes, aujourd'hui les percherons. Et c'est ainsi, qu'entre un czar et un sultan, l'Exposition reçoit tour à tour, des sociétés et des corporations, des villes et des départements, voiturés gaiement par les trains de plaisir. Ce ne sont plus des voyages, ce sont des pélerinages joyeux, ce ne sont plus des visites, ce sont des invasions charmantes. Les percherons sont trois cents, comme aux Thermopyles. Et tous, en partant, ont juré de tout voir, de tout connaître et de beaucoup s'amuser. Ils ne portent ni brassard, ni ceinture, ni bannière à la main, ni plume au chapeau. Ce sont de simples et braves gens qui, pour tout uniforme, ont endossé une blouse neuve et coiffé la casquette des jours de fête.
Presque tous sont de Mortagne, ouvriers et cultivateurs. Un compatriote, instigateur de cette excursion populaire, les a réunis, embarqués, installés, dirigés, promenés, veillant sans cesse à leurs besoins, à leurs plaisirs. Cet homme est Mr Dugué de la Fauconnerie, conseiller général de l'Orne et président du comice agricole de Mortagne. Une cordiale hospitalité m'a valu de vivre deux jours avec ces intéressants visiteurs, et j'ai été émerveillé de l'activité prodigieuse, du zèle infatigable de M. Dugué. Que de démarches et que de soins pour allier l'économie et l'agrément, pour satisfaire sa caravane durant ces deux jours qu'elle n'oubliera jamais!
/.../ A une heure, on se remet en marche et l'on défile dans le parc au grand ébahissement- de la foule qui, de tous côtés, se presse autour de cette phalange campagnarde. Ensuite, nous visitons le palais tunisien, dont les splendeurs originales émerveillent les touristes percherons. Il faut dire que beaucoup d'entre eux ne connaissent guère en fait de monument que la sous-préfecture de Mortagne, qui n'a pas coûté, j'imagine, un couple de milliards.
Nous quittons l'Exposition, et nous voici embarqués de nouveau, descendant à toute vapeur vers l'île de Billancourt. La joie éclate sur tous les visages, et chacun admire le panorama splendide qui se déroule sur les deux rives.
Nous voici à Billancourt, c'est-à-dire à l'Exposition agricole. A notre arrivée, les machines fonctionnent, les eaux jaillissent, et les Percherons, enfants de la charrue et du hoyau, restent charmés d'un spectacle qui semble fait pour eux. /.../
Le lendemain se passe tout entier à l'Exposition universelle. Les habitations ouvrières, la section des vêtements et celle des aliments, les chevaux russes, les écuries autrichiennes ont particulièrement intéressé nos visiteurs. C'était merveille de les voir aller et venir sans encombre, sans embarras, de les entendre critiquer, juger et surtout admirer /.../
Je viens de prendre congé de mes hôtes, les Percherons, dont je me rappellerai longtemps la cordialité, les physionomies ouvertes et franches. Je leur ai fait mes adieux à l'Exposition, et en pressant ces loyales mains, il m'a semblé que je quittais des compatriotes et des amis.
Fulbert Dumonteil.
écrivain :
En 1869, il réunit dans un volume "les portraits des neuf députés de la Seine" qu'il avait auparavant publiés dans le Figaro. "Beaucoup de verve et de gaieté, une observation très fine et tès juste, quelques anecdotes fort amusantes recommandent le charmant petit livre dont l'actualité palpitante n'est encore que la moindre qualité" (Le Charivari, 23 septembre 1869). Il y trace les portraits de Gambetta, Thiers, Bancel, E.Picard, Garnier-Pagès, Jules Ferry, Jules Favre, Jules Simon, et Pelletan.
Cet ouvrage est disponible sur gallica ICI. J'ai choisi de présenter ici une anecdote sur Gambetta, mais l'ensemble du livre ravit par la qualité de l'écriture !
GAMBETTA
C'était en 1859, un ami m'avait invité à dîner à sa table d'hôte, dans le quartier latin. Au dessert, la porte s'ouvre avec fracas, et tous les convives saluent en choeur un retardataire qui arrivait avec un appétit féroce et un Rabelais sous le bras. C'était un tout jeune homme, au visage énergique et décidé, aux longs cheveux noirs, au pas saccadé, rapide comme s'il marchait à la conquête de la liberté. Le sourire aux lèvres, il distribue une demi-douzaine de solides poignées de mains, demande un potage et engage aussitôt une discussion sur la Révolution française.
Quand le potage vint, il avait déjà pris la Bastille et voté la mort du roi. Il commande ensuite un fricandeau pacifie la Vendée, se fait servir un rosbif aux pommes, chasse l'étranger à coups de fourchette et sauve la France ! La salade le trouve en train de faire la Révolution de 1830, et celle da 1848 éclate au dessert.
Mais à mesure que les plats se succèdent dans son assiette, un voisin les lui dérobe adroitement et les repasse intacts au garçon de salle.
Il demande une meringue, la dévore d'un coup de dent, et, très surpris d'avoir encore faim il se fait porter un camembert. De bonne foi, il croyait avoir mangé quand il avait parlé seulement. Ce n'était pas trois plats dont il avait dîné, mais trois révolutions.
Un éclat de rire général lui apprit sa distraction, et de la meilleure humeur du monde, il recommença un repas moins fantastique tout en discourant sur le suffrage universel et le grand peuple américain. Ce convive distrait s'appelait Gambetta. Il était de Cahors et faisait son droit, qu'il assaisonnait, comme on vient de le voir, de beaucoup de politique ; il était très populaire et fort écouté dans les cafés du quartier latin, où il allait discuter comme on va s'escrimer dans une salle d'armes. On était en 1859, et il fallait bien causer quelque part. C'était ordinairement au café Procope que Gambetta dressait sa tribune. On y montrera peut-être un jour la table qu'il frappait du poing en parlant de liberté, comme on y montre la table de Voltaire, la table de Piron, et la table sur laquelle un soir l'éditeur Renduel monta en faisant le signe de la croix et se mit à lire « les Paroles d'un Croyant ». Lorsque Gambetta se trouvait au café, il n'y avait d'écho que pour sa voix de cuivre, et tout le monde, jusqu'aux garçons, écoutait. Il tenait tête à la salle entière, et sur le coup de minuit forçait tous ses adversaires à aller se coucher vaincus./.../
Gambetta est né pour faire de la politique comme un hercule pour lever des poids, et il parle comme le vent souffle, comme le volcan gronde, comme la mer roule ses vagues.



Après la mort de son épouse, Amable Constance Marie Bohers,en 1867 il vécut à Neuilly tout près du Jardin d'Acclimatation qui lui inspirera plusieurs de ses textes. Il se fit en particulier le chroniqueur des "exhibitions ethnographiques" du Jardin d'Acclimatation. Ce jardin avait été à l'origine destiné à "acclimater" au climat français des espèces animales exotiques dans un but économique. Cependant à partir de 1877, des exhibitions ethnographiques de groupes d'humains sont présentées. Cela nous parait certes surprenant et choquant à l'heure actuelle, mais on était à l'époque de la IIIe république, qui soutenait l'expansion coloniale en marquant les esprits par un goût immodéré de l'exotisme et des voyages. Après chaque exhibition, Fulbert-Dumonteil écrit un texte :
► Une visite aux Cynghalais, (1886)
► Les Achantis de l'Afrique équatoriale (1887)
► Les Lapons au Jardin d'acclimatation,(1889)
► Les Somalis (1890)
► Guerrières et guerriers du Dahomey au Jardin zoologique d'acclimatation (1891)
► Les Paï-Pi-Bri (1893)
Il s'intéresse également à l'histoire naturelle et publie
► en 1889: Histoire naturelle en action. Animaux et plantes
► en 1890, les fleurs à Paris et le Monde des fauves.

Toutefois,malgré des centres d'intérêt aussi variés, son domaine le plus connu et où il fut particulièrement apprécié fut celui de gourmet et de chroniqueur gastronomique.

@ Marie-France Castang-Coutou
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