L'escole à Liorac avant la Révolution

UN ANALPHABÉTISME RÉPANDU

Avant la Révolution, il y avait environ 700 habitants à Liorac, donc beaucoup d'enfants... mais, y-avait-il une école ?
Pour répondre, on peut tenter d'évaluer le degré d'alphabétisation de la population. Pour cela, le seul moyen dont on dispose concerne la capacité à signer les registres paroissiaux, et c'est bien sûr loin de la capacité à écrire ! En effet, les époux, les parrains et les marraines, les témoins étaient appelés par le curé à signer le registre avec lui, mais on trouve systématiquement la phrase :
"les témoins n'ont signé pour ne savoir de ce enquis par moy"
Ainsi, en 1668 sur 43 actes enregistrés à Liorac, seuls 6 portent des signatures de témoins en plus de celle du curé, et pas n'importe quel témoin, il s'agit de : Pierre POURQUERY marchand, habitant du bourg, Léonard ROUCHON garde des forêts du seigneur de Clérans habitant du bourg de Liorac, Mathieu POURQUERY Sr de la Bernardie, Jean CHASSAIGNE sergent royal (il s'agissait d'un huissier de justice), habitant du village des Lasquasses, paroisse de Liorac . Nous n'avons pas d'autre source de statistiques que ces registres paroissiaux et l'examen d'autres années du XVIIème siècle conduit aux mêmes conclusions: peu de signatures, exclusivement celles d'individus des grandes familles de Liorac et pratiquement jamais de signature de femmes si ce n'est quelques cas ponctuels de "demoiselles" qui savaient fort bien signer et qui maîtrisaient probablement l'écriture. Il semble donc qu'à la fin du XVIIème siècle, les Lioracois étaient en majorité illettrés.
A voir ce degré d'analphabétisme, on pourrait donc penser qu'il n'y avait pas d'école à Liorac.

LE CONTEXTE HISTORIQUE

Mais replongeons nous un instant dans l'histoire de l'époque : en 1598, Henri IV avait accordé la liberté de culte aux protestants par l'Edit de Nantes. Une très grosse population de protestants existait à Bergerac et dans les environs.
A Liorac, la communauté était importante et plusieurs familles, dont les Valleton, avaient embrassé la R.P.R. (Religion Prétendument Réformée"). Il y avait un recteur, un temple et des registres protestants dont deux années (1669 et 1670) nous sont parvenues.
En 1685, Louis XIV révoqua l'Edit de Nantes par l'Edit de Fontainebleau, dont voici quelques phrases du prologue :
... la meilleure et la plus grande partie de nos sujets de ladite R.P.R. ont embrassé la Catholique.
... l’exécution de l’édit de Nantes et de tout ce qui a été ordonné en faveur de ladite R.P.R. demeure inutile, nous avons jugé que nous ne pouvions rien faire de mieux pour effacer entièrement la mémoire des troubles, de la confusion et des maux que le progrès de cette fausse religion a causé dans notre royaume et qui ont donné lieu audit édit ... que de révoquer entièrement ledit édit de Nantes .»
Pour finir d'éradiquer toute graine de cette "fausse religion", Louis XIV voulut obliger les enfants des protestants à fréquenter l’école catholique. Dans sa déclaration du 13 décembre 1698, Louis XIV ordonne l'établissement :
... des maîtres et des maîtresses dans toutes les paroisses où il n’y en a point, pour instruire tous les enfants du catéchisme et des prières qui sont nécessaires et nommément ceux dont les pères et mères ont fait profession de la religion prétendue réformée... comme aussi pour apprendre à lire et même à écrire à ceux qui pourraient en avoir besoin ; et que dans tous les lieux où il n’y aura point d’autres fonds, il puisse être imposé sur tous les habitants la somme qui manquera pour leur subsistance jusqu’à celle de 150 livres par an pour les maîtres, et 100 livres pour les maîtresses...
Les écoles primaires ou "petites écoles" étaient donc entre les mains du clergé. Le régent, ou maître d'école, était embauché par la communauté paroissiale avec l’accord de l’évêque et il était placé sous l'autorité du curé de la paroisse. Il ne devait pas faire la preuve de ses compétences pédagogiques mais seulement de ses connaissances religieuses. Les familles devaient payer ce régent.

L'ÉCOLE à LIORAC

Comme le montre l'acte ci-dessous, en 1706, donc sous Louis XIV, il y avait une école à Liorac : il s'agit d'un acte de sépulture signé par le curé Le Brun, par le marguiller Jean ROUSSEL et par "Jean MOLENIER maîstre d'escole de la paroisse".
En fait, une école existait certainement à Liorac avant 1706, car on trouve la mention de plusieurs régents : ainsi, sur le rôle de taille de Liorac de 1656, Pierre VALLETON apparaît comme régent, il s'agissait peut être d'une école protestante.
Plus tard, entre 1673 et 1679 Guillaume MONZIE est régent et habite le bourg. Jean MOLENIER, sera régent de la paroisse en 1706 et 1707.

Ci-contre un tableau d'un peintre hollandais, Adriaen Van Ostade, qui montre le logement d'un maitre d'école en 1652, certes en Hollande, mais cela donne une idée de ce à quoi pouvait ressembler une école au XVIIème siècle en France, et sans doute aussi à Liorac. Le régent recevait les enfants dans son propre logement.
A Liorac, on trouve dans les registres la mention du "lieu de l'escole", situé à la sortie du bourg. Une maison devait donc servir de logement au régent engagé par la paroisse et servir en même temps de local pour la salle de classe.
Plus tard, en 1724, Jean FAURE dit Vincenou, âgé de 30 ans, natif de la ville de Briançon en Dauphiné, demeurant depuis un an et demi chez le Sr Boissière de la Roque, en qualité de précepteur est enterré dans le clocher de l'église ! donc certes considération pour le précepteur des enfants, mais tout de même limitée, puisqu'il n'a pas eu droit à une sépulture dans l'église elle-même !

En 1743, le mariage de Colombe SOUFFRON régente à la Tyssanderie, est célébré à Liorac. C'est peut être la première institutrice de Liorac !
En 1751, Jaque Louis BUNEL, natif de la province de Normandie, régent, décède subitement à 58 ans. L'origine lointaine de deux régents apparait surprenante, d'autant qu'à cette époque les enfants ne devaient parler et comprendre que l'occitan, ce qui ne devait pas faciliter les échanges.
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@ Marie-France Castang-Coutou
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