C'est une église romane exceptionnelle, construite à la fin du XIIe siècle qui se distingue de toutes les autres églises romanes du Périgord
(et elles sont nombreuses !) par sa pierre de dédicace qu'il est extrêmement rare de retrouver et par ses murs décorés de fresques.
Toutes les photos de cette page sont des photos personnelles.
LA PIERRE DE DÉDICACE :

En entrant dans l'église on peut admirer sur le mur gauche, une pierre de plus d'un mètre de long gravée d'une longue inscription latine.
Les lettres font environ 5 cm de haut et l'ensemble est encore fort lisible.
Cette pierre décrit avec une extrême précision la date, les personnages et les circonstances de la consécration de cette église.
ANNO AB INCARNAZIONE DOMININI MILLESIMO CENSIMO NONAGESIMO...
En voici la traduction relevée sur un panneau explicatif à l'intérieur de l'église :
L'an de l'incarnation du Seigneur 1194, douxième indiction, cinquième concurrent, épacte 26, le dimanche 3 des calendes de février, à la quatrième lunaison ont été dédiés cette église et cet autel, par le seigneur Adémar, évêque de Périgueux, en l'honneur de la sainte Trinité, de la sainte Vierge Marie, de saint Martin, évêque et confesseur, de saint Paul apôtre, de saint Thomas, archevêque et martyr, de sainte Catherine, vierge et martyr, et de tous les saints de Dieu.
Ebrard de Villars était diacre de cette église, le pape Célestin présidait à la Sainte Eglise romaine, Philippe était roi de France, Richard roi d'Angleterre tenait le duché d'Aquitaine, et Hélie Talleyrand le comté de Périgord; Hélie occupait le siège métropolitain de Bordeaux.
Toutes les correspondances entre les calendriers lunaire et solaire conduisent à la date du 30 janvier 1194, il y a plus de 800 ans !
HISTOIRE DE L'ÉGLISE :
On peut remarquer que l'église est dédiée à une multitude de Saints bien connus, mais parmi eux on remarque
saint Thomas, archevêque et martyr.
Il s'agit de Thomas Becket archevêque anglais de Canterbury. Il faut rappeler qu'avant la construction de la chapelle, l'Aquitaine était devenue anglaise
par le mariage du roi Henri II avec Aliénor d'Aquitaine. Henri II régnait en Angleterre : désirant être maître absolu en son royaume, il voulu supprimer
les prérogatives de l'Eglise anglaise. Thomas Becket, archevêque de Canterbury, s'opposa au roi à ce sujet : il fut assassiné par les partisans du roi
dans la cathédrale. Ce meurtre horrifia les populations et conduisit Henri II à faire pénitence publique et à ordonner, en expiation de ce meurtre,
la construction de plusieurs sanctuaires dédiés à Thomas Becket, dont la chapelle Saint Martin à Limeuil. Thomas Becket fut cannonisé en 1173.
Le roi mourut en 1189 et c'est son fils Richard Coeur de Lion qui exécuta la promesse et fit construire la chapelle. C'est donc le nom de Richard
et non de Henri qui apparait sur la pierre de dédicace.

Beaucoup de personnages sont mentionnés dans la dédicace : le roi de France (dans la lignée des Capétiens, Pillippe Auguste, roi de 1180 à 1223),
le roi d'Angleterre (Richard Coeur de Lion), le pape (Célestin III pape de 1191 à 1198), l'évêque de Périgueux (Adhémar Ier de la Torre évêque de 1185 à 1197),
le comte de Périgord (Hélie V Talleyrand, archevêque de Bordeaux) et le diacre desservant l'église Ebrard de Villars, dont le nom apparait curieusement avant
ceux des personnalités (rois, pape,évêques et comte) ce qui suggère que c'était un personnage connu et respecté à Limeuil.
Il a en effet été enterré au pied du portail, comme l'indique une autre pierre gravée :
Elle se trouve en bas à droite du portail d'entrée de l'église : c'est la pierre funéraire du diacre Ebrard de Vilars, cité sur la pierre de dédicace,
il mourut un peu plus de 30 ans après la consécration de l'église . HIC JACET...
Ci gît Ebrard de Vilars. Il mourut le 13 de mars l'an du seigneur 1230. Pour son âme dites un pater noster.
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L'EXTÉRIEUR DE L'ÉGLISE :
Voici quelques photos (cliquez sur une image pour l'agrandir).
Photo 1, vue côté EST : Comme c'était l'usage, l'église est orientée vers l'est, l'autel tourné vers Jérusalem. Elle présente une abside semi circulaire voutée, précédée d'un avant choeur supportant un clocher carré. L'abside est couverte de lauzes , tout comme la chapelle Nord. Le clocher et la nef sont recouverts de tuiles plates.
Photo 2, côté NORD :) L'avant choeur se prolongeait par deux chapelles, mais seule la chapelle Nord subsiste.
Photos 3,4,5 côté OUEST : L'église s'ouvre à l'ouest par un portail à quatre voussures plein cintre. On peut remarquer les sculptures en damiers.
Photos 6,7,8 côté SUD : Les traces de la chapelle Sud et d'une petite sacristie débouchant sur la nef sont visibles sur le mur Sud de l'église. On peut remarquer sous le toit de l'abside plusieurs petis blocs de pierre sculptés, des modillons, éléments architecturaux fréquents dans les églises romanes.
► L'INTÉRIEUR DE L'ÉGLISE :
Une longue et haute nef avec un avant choeur sous coupole sur lequel repose le clocher et un choeur à abside semi-circulaire, voutée en "cul de four".
L'église avait une forme en croix grâce à deux chapelles ajoutées au niveau de l'avant choeur : seule la chapelle nord existe encore (voir schéma ci-dessous).
LA NEF :Les contreforts plats laissent penser que cette longue nef a été autrefois couverte de voutes de pierres qui
reposaient sur les contreforts. La nef est à présent dotée d'une charpente et lambrissée. Juste en dessous, une passerelle en bois court sur deux côtés
de la nef. Elle permettait l'accès au clocher. En effet, à l'entrée de l'église un escalier à vis est inclus dans le mur ouest qui permettait d'accéder
à la passerelle. Le début de l'escalier est surélevé par rapport au sol, une échelle était donc nécessaire pour atteindre la première marche et
ce système permettait de se réfugier dans le clocher en relevant l'échelle. Sur le mur sud, l'entrée murée d'une sacristie disparue est clairement visible.
Le sol de la nef est en pisé. La nef est séparée de l'avant choeur par un grand arc.
L'AVANT-CHOEUR est surmonté d'une coupole qui s'appuie sur quatre solides piliers et qui supporte le clocher.
L'ABSIDE : Le choeur de l'église est une abside semi-circulaire, voutée en cul de four.
Désaffectée, longtemps abandonnée, cette chapelle était dans un état désespéré, les toitures étaient abimées et abritait des colonies de pigeons.
Des traces de fresques étaient visibles et il était essentiel de classer la chapelle St Martin comme monument historique ce qui arriva seulement
en 1965 ! La Société Historique et Archéologique du Périgord (SHAP) et la très active Association des Amis de Saint-Martin ont oeuvré dans ce sens. La préservation de ce monument est maintenant assurée et sa restauration bien engagée, et c'est d'autant plus important qu'une série de fresques murales ont été découvertes. Des traces de couleurs non identifiables sont visibles à plusieurs endroits, sur l'arc médian et dans la chapelle nord.
DES FRESQUES DU XIIIe SIÈCLE :
Deux fresques ont été dégagées de leur couches de plâtre et sont bien visibles :

► sur le pilier de la chapelle nord, deux saints identifiés par Brigitte et Gilles DELLUC (BSHAP, p309, 2019) :
à gauche
St Eloi, orfèvre et monnayeur, reconnaissable à l'outil métallique qu'il tient,
et à droite St Antoine le Grand portant une clochette.
► sur le mur de l'abside, cinq "scènes bibliques" séparées par des bandes rouges, représentant à gauche l'adoration des mages et en dessous la fuite en Egypte (on ne voit que St Joseph conduisant un âne) et séparée par une bande rouge verticale, la présentation au temple. Sur la droite, une scène de la cruxifiction sur fond noir et en dessous la descente de croix sur un fond clair.