La Couze est une petite rivière (30 km) affluent rive gauche de la Dordogne. Elle nait sur la commune de Belvès et se jette
dans la Dordogne à Couze et St-Front à une dizaine de km en amont de Bergerac.
La position géographique près de la Dordogne, permettant le transport du papier par gabarres jusqu'à Bergerac puis jusqu'au port de Bordeaux
et le pH neutre de l'eau adapté à la fabrication de la pâte à papier,
ont favorisé l'installation sur les rives de la Couze de treize moulins à papier (indiqués sur la carte de Belleyme par le sigle habituel des moulins à eau :
)
et la vallée de la Couze est devenue dès le XVIe siècle le berceau de la papeterie en Aquitaine.
Les moulins se développèrent et prospérèrent en particulier grâce aux débouchés en Hollande et au XVIIIème siècle presque tous
fabriquaient sur commande du papier aux armes d'Amsterdam !
Mais à la Révolution, les commandes s'arrêtèrent ... et au cours du XIXe les moulins de la Couze se sont peu à peu s'arrêtés, faute de débouchés mais surtout faute de modernisation
face à la concurrence de technologies plus modernes.
A l'heure actuelle, trois moulins produisent encore du papier : la Moulin de la Rouzique transformé en musée, le Moulin de Larroque spécialisé dans le papier d'art et l'entreprise Prat-Dumas
qui a su se reconvertir en produisant toutes sortes de filtres pour les industries.
Reste un site exceptionnel où toutes les pierres parlent et font un peu revivre ceux qui ont travaillé dur dans les usines à papier.
VOICI UNE PROMENADE EN IMAGES...
Les ruines des papeteries et les chutes de la Couze à sa jonction avec la Dordogne.
Le dessin ci-dessous, extrait de l'affiche du Moulin de la Rouzique, montre les moulins situés sur un bief en amont :
les moulins sont serrés entre le bief et la falaise de Mondonnel.
Comme souvent en Dordogne, la falaise a été utilisée pour installer des constructions troglodytiques :
elles abritaient un étendoir et une chiffonnerie, mais aussi les maisons des compagnons et des maîtres papetiers.
La tradition papetière à Couze reposait sur trois dynasties de maîtres papetiers :
les JARDEL, famille dont l'ancienneté est attestée par des papiers filigranés Jardel 1456, les DUMAS et les PRAT.
Avant la Révolution, on trouvait des Jardel aux moulins des Merles, de la Rouzique et de Larroque.
Les alliances entre ces trois familles furent fréquentes, en voici quelques exemples: en 1752, Pierre Prat et Marguerite Jardel, en 1786 Jean-Pierre Prat et Catherine Jardel, en 1802, Léonard Jardel et Françoise Dumas, en 1814 Jean Jardel Larroque et Marguerite Dumas, en 1827 Pierre Dumas et Marie Jardel, en 1831 Pierre Prat et Marguerite Dumas.
Les descendants de ces deux dernières familles sont à l'origine de la société Prat-Dumas qui produit toujours dans le Moulin des Barreaux neufs du papier filtre, mis au point par Pierre Prat en 1840, et maintenant destiné à diverses activités industrielles: parfumerie, laboratoires pharmaceutiques ...
LA MAISON JARDEL (1 photo) LE MOULIN SOUS LE ROC (4 photos)
Le Moulin sous le Roc (ou du Roc), avec son élégant pigeonnier rond, est séparé de la falaise par une petite ruelle.
Contrairement à d'autres moulins du site, il ne possède pas d'étendoir à papier et seul le passage de l'eau sous le bâtiment indique sa fonction. LE MOULIN DES MERLES(1 photo)
Le Moulin des Merles jouxte le Moulin sous le Roc. Sa présence en tant que moulin à papier est attestée depuis 1530 ! LE MOULIN DE LA ROUZIQUE (7 photos)
Juste à côté de ces deux moulins, le Moulin de la Rouzique avec son étendoir aux volets bleus.
Ce moulin a fabriqué du papier chiffon pendant près de 5 siècles, depuis la fin du Moyen Âge
jusqu'en en 1983. Il abrite à présent l'Écono-musée du papier.
Il est en état de marche et produit encore de petites quantités de papier chiffon, qui font le bonheur des aquarellistes. LE MOULIN DES GUILHENDOUX (2 photos)
Quelques centaines de mètres en amont,le Moulin des Guilhendoux : il fut moulin à foulon pour la fabrication des toiles avant de devenir moulin à papier
comme en témoigne son étendoir. Il a été restauré et inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 1989. LE MOULIN DE LARROQUE (1 photo)
Situé dans le bourg de Couze, le Moulin de Larroque est un Moulin très ancien. Il appartenait au début du XIVe siècle à Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux qui fut élu pape en 1305 sous le nom de Clément V.
Il fut le premier des sept papes qui siègèrent à Avignon au XIVe siècle.
Actuellement, le Moulin de Larroque perpétue la fabrication artisanale de papiers de grande qualité.
LA FABRICATION DU PAPIER CHIFFON
Le papier est fabriqué à partir de fibres cellulosiques végétales : pendant des siècles nos ancêtres ont récupéré les
tissus de chanvre ou de lin, toujours du linge blanc, pour fabriquer du papier et ce n'est qu'à la fin du XIXème siècle que la pâte à papier à
base de bois a été utilisée.
Mais pourquoi utiliser des chiffons et non directement les fibres végétales ? Sans doute parce qu'une bonne partie
du travail avait déjà été faite par les peigneurs de chanvre et les tisserands qui avaient travaillé meilleures fibres
et de les transformer en fils réguliers avant de les tisser. De plus, les toiles avaient été assouplies par des traitements mécaniques et lavages dans les moulins à foulons et
ainsi, la matière première était quasiment prête à l'emploi !
Les chiffoniers parcouraient les campagnes pour acheter les chiffons usagés et les apportaient aux papetiers.
LA PRÉPARATION DES CHIFFONS :
Les chiffons de récupération, les "peilles", étaient tout d'abord triés par qualité, les boutons et ourlets épais étaient supprimés.
Ils étaient ensuite coupés en petits morceaux, les "pétassous": l'ouvrier, assis sur un banc sur lequel est fixé une faux, le dérompoir, tranchait le tissu sur la lame.
Les pétassous étaient ensuite placés avec de l'eau dans des pourrisoirs où ils fermentaient plusieurs semaines avant d'être défibrés.
LE DÉFIBRAGE MÉCANIQUE :
Les fibres du tissu devaient être soigneusement séparées et coupées afin d'obtenir la pâte à papier. Le défibrage s'est d'abord effectué avec une pile à maillets : l'énergie hydraulique
faisait tourner une grande roue intérieure (6 m de diamètre !). Elle actionnait une série de maillets en bois qui battaient les chiffons juste sortis du pourrissoir et
placés dans des cuves appelés piles. Des pointes métalliques placées sous les maillets permettaient de défibrer le chiffon et avec de l'eau de fabriquer la pâte à papier.
Cette opération était longue et constituait l'étape limitante de la productivité du moulin.
Au début du XVIII ème siècle, la pile à maillets fut remplacée par la pile hollandaise qui permettait de défibrer le chiffon sans passer par l'étape
du pourrissage : un cylindre muni de lames tourne dans un bassin dans lequel sont les pétassous trempant dans l'eau et détache les fibres. C'était donc un gain de temps appréciable et une nette amélioration des conditions de travail des ouvriers qui n'avaient plus à manipuler les chiffons "pourris" !
A la sortie de la pile à maillets ou de la pile hollandaise, la pâte à papier est prête pour fabriquer des feuilles.
LA FEUILLE DE PAPIER : Le "moule" qui permet de réaliser la feuille de papier est constitué par un tamis métallique tendu sur un cadre de bois.
Le cadre est rempli avec la pâte à papier et mis à égoutter sur la cuve. L'aspect du papier sera différent selon la trame du tamis.
Les papiers anciens portaient la marque de fabrique des papetiers, une sorte de "logo", le filigrane. Mais ce procédé fut surtout utilisé, comme maintenant pour les billets de banque, pour assurer l'authenticité de documents.
Le motif, parfois complexe, est brodé sur le tamis avec un fil métallique qui provoque localement une petite surépaisseur et donc amincissement de la feuille. Ces très faibles différences d'épaisseur font que le dessin n'est visible que par transparence.
La feuille est prête ! La forme est retournée sur un feutre de laine.
Chaque feuille est séparée de la suivante par un feutre.
Le tas de feuilles est ensuite serré sous une presse pour éliminer le maximum d'eau avant le séchage final qui a lieu dans l'étendoir :
les feuilles y sont mises à sécher à cheval sur des cordes tendues sous le plafond. Ce travail était reservé aux femmes qui, montées sur un tabouret, soulevaient
les paquets de feuilles et les déposaient sur les cordes.
Pour assurer un séchage optimal, la température et le taux d'humidité doivent être soigneusement régulés dans l'étendoir, grâce aux interlats, ces volets pivotants qui caractérisent les moulins à papier.