Au printemps 1943, Mojzecz Goldman, alias "Polone" puis plus tard "Mireille", fut chargé d'organiser des groupes de Résistants affiliés à l'AS.
Pierre Larrue, instituteur à Ste Alvère lui conseilla de monter son camp à Cendrieux dans un massif forestier de plusieurs centaines d'hectares, difficile d'accès,
mais muni d'un point d'eau (au lieu dit la Font du But) :
LE MAQUIS DE DURESTAL.
Ce maquis rassembla plusieurs centaines d'hommes simultanément, sans doute le plus grand rassemblement de la Résistance en Dordogne.
Les maquis en grandissant devenaient facilement repérables avec les nombreuses allées-venues, le passage nocturne de véhicules dans les villages et
même si la population était en majorité favorable à la Résistance, une dénonciation était possible.
C'est ce qui s'est passé à Durestal où la lettre d'un délateur aux renseignements généraux de Vichy indiquait sur un plan sommaire la position du maquis et celle de l'école des Cadres.
L'ATTAQUE ET LA FIN DU MAQUIS DES SANGLIERS, L'ARRESTATION DE MIREILLE
Une opération fut organisée au départ de Périgueux par des éléments de la Garde et par les GMR (groupes mobiles de réserve), donc par des français à la solde de Vichy.
L'école des cadres fut encerclée, les Résistants pris par surprise ne purent s'enfuir, l'armement destiné à la formation fut saisi et plusieurs personnes arrêtées.
A Durestal, les GMR arrivèrent au camp. Bramson, le bras droit de Mireille accompagné de deux Résistants portant dans chaque main une grenade dégoupillée se présente au capitaine des GMR et lui dit : voilà si vous avancez seulement de 50 mètres il y a des gars partout, ils vont vous tirer dessus. Alors l'attaque a été annulée. Le capitaine des GMR a dit : vous avez 48 heures pour partir.
(AD24 Mémoire de Résistance, témoignage d'Yves COLIN).
Bergeret poursuit son récit expliquant les circonstances de l'arrestation de Mireille :
Polone se mit en tête de provoquer la désertion de la totalité du régiment géorgien de Périgueux. Notez que ceci se passait en septembre-octobre 1943.
Il prit contact avec certains officiers, et les négociations paraissant marcher de façon satisfaisante, il s’enhardit jusqu’à se rendre à Périgueux pour rencontrer le colonel du régiment,
mais il tomba dans un guet-apens et fut arrêté par la Gestapo. Après interrogatoires et tortures, il fut déporté à Auschwitz puis Buchenwald d’où il revint après la libération des camps de la mort par les Alliés.
Ce fut un coup fatal pour le maquis, qui, traqué, dut se diviser et quitter la Dordogne-Sud, pour se transporter plus au Nord.

L'arrestation de GOLDMAN et de deux autres Résistants fut annoncée dans le Journal de Bergerac
dans le numéro du 13 novembre 1943 (Ce journal a été numérisé par l'Association du Patrimoine Photographique en Bergeracois).
L'article satisfait à une propagande anti-juive en accord avec la politique de Vichy.
Il y a des erreurs sur les noms et les pays d'origine, mais qu'importe, le seul mot important est "JUIF" !
En plus de Mojzecz GOLDMAN, né en Pologne, Légion d'Honneur (Chevalier en 1959, Officier en 1960), Croix de guerre 1939-1945 avec palme, Médaillé de la Résistance , décédé à Paris en 1968,
on trouve :
Alexandre BAUM(STEIN), né en 1899 à Pétrograd en Russie, Médaillé de la Résistance, décédé à Paris en 1960.
Jaques Jezekiel (BRAMSON), né en 1911 à Vilna en Russie, adjoint de Marc Goldman, Médaillé de la Résitance, Légion d'Honneur (chevalier en 1952, officier en 1959, Commandeur en 1961), décédé en 1966 à Paris.

Après la dispersion du maquis Mireille (certains s'étaient réfugiés dans la Double), Durestal fut à nouveau occupé
par
le MAQUIS ANCEL
qui regroupait des réfugiés Alsaciens-Lorrains sous la direction de :
Antoine DIENER, alias ANCEL né en 1916 en Moselle, et Gustave HOUVER, alias CHRISTOPHE, né en 1919 en Moselle.
Ce groupe ANCEL, futur bataillon Strasbourg de la "brigade Alsace-Lorraine" commandé par André Malraux (alias "colonel Berger") changea régulièrement d'emplacement
mais séjourna au camp de Durestal.
De septembre 1944 à février 1945, la « Brigade Alsace-Lorraine » participa aux violents combats d’Alsace et entra le 6 décembre 1944 à Strasbourg.
On peut lire toute l'histoire de ce maquis dans le site du Comité pour la mémoire de la Brigade Alsace-Lorraine (cf références).
RECONSTITUTION DU MAQUIS DE DURESTAL

Ce haut lieu de la Résistance a été minutieusement reconstitué en se basant sur de nombreux témoignages et est librement accessible à la visite.
Dès l'entrée dans ce chemin de Mémoire, une stèle rappelle l'occupation de ce lieu par deux groupes de Résistance : le maquis MIREILLE et plus tard le maquis ANCEL.
A peu de distance de la stèle, une longue baraque de bois rassemble photos et documents illustrant l'histoire et la vie du maquis à Durestal.

En suivant des chemins balisés, on peut observer les cabanes en feuillards, la cantine, la prison, le "garage" (les quelques véhicules étaient camouflés sous des ronciers), la source...
et l'on prend très vite conscience de la formidable organisation nécessaire pour faire vivre dans la clandestinité cette "ville dans les bois".
Le ravitaillement (nourriture, vêtements, chaussures, et bien sûr armes et essence) était le problème essentiel et l'aide de la population était fondamentale.
Pierre LARRUE, ancien instituteur, qui connaissait tous les habitants favorables à la Résistance, a organisé un réseau de légaux (des Résistants qui continuaient à vivre normalement sans entrer dans la clandestinité),
facilitant ainsi l'approvisionnement du maquis de Durestal. Des artisans ou paysans
fournissaient, souvent au péril de leur vie car la délation était fréquente, le pain, les patates et la viande nécessaires pour nourrir tous ces jeunes.
Beaucoup ont été oubliés, mais une plaque a été installée en 2021 à Ste Alvère à la mémoire de Pierre LARRUE surnommé "le père de la Résistance".
REFERENCES :
■ La Dordogne dans la Seconde Guerre mondiale : collectif d'auteurs sous la direction d'Anne-Marie Cocula, et de Bernard Lachaise, ed. Fanlac, 2020.
■ Mémoire de Résistances, un site du département de la Dordogne
ICI
L'enregistrements de témoignages d'anciens Résistants
constitue un exceptionnel document de mémoire.
■ Mémoire des Hommes, seconde guerre mondiale
ICI
■ Messages Personnels, Maurice Loupias dit "Bergeret"
■ Mojzesz Goldman dit "Mireille". Sylvain Le Bail, 2001, Ed.Le chêne Vert
■ Sud Ouest : 21 février 2021, "Malraux le dandy du maquis", par Hervé CHASSAIN
12 mai 2021 : Val-de-louyre-et-caudeau Hommage à Pierre Larrue, l’un des fondateurs du maquis de Durestal
■ Comité pour la mémoire de la Brigade Alsace-Lorraine:
ICI