1805- financement de la reconstruction du pont de Liorac

mis en ligne le 20 mai 2017    
Février 1805 : une crue de la Louyre a détruit les piles du pont de Liorac et la chaussée s'est éboulée. Le maire, Jacques Guillaume Guilbert-Latour, réagit de rapidement à cette situation préoccupante, qui impacte à la fois les habitants de Liorac et les communes voisines. observation des dégats le 20, préparation du devis et proposition chiffrée présentée au Conseil le 25 !
Le devis, matériaux et main d'oeuvre, s'élève à 1041 F. Comment financer cette dépense ? Le maire suggère d'impliquer financièrement toutes les communes qui utilisent le pont de Liorac...
 
QUI VA PAYER ?
Le conseil Municipal votera, s'il le juge convenable, une augmentation de centimes additionnels aux contributions foncières personnelles et mobilière et proposera la somme à laquelle devront contribuer les 10 communes ci après : Mouleydier, Cause de Clérans, St Laurent, St Félix, Clermon, Beauregard, Fouleix, St Amand, St Jean et Ste Marie (l'une et l'autre de Vergt) et St Georges.
Le conseil est prié d'observer qu'il ne peut eu égard au présent besoin déterminer qu'un très petit nombre d'années sur lesquelles l'imposition devra avoir lieu pour commencer et achever les réparations mentionnées.
Fait à liorac le même jour et an que dessus.Considérant aussi qu'aux frais des réparations qui vont vous être proposés devront contribuer les communes qui vous seront nommées en raison de l'utilité, ce qui fera l'un des sujets de votre délibération.
FINANCEMENT: UN PÉAGE AVANT L'HEURE !

Deux pôles drainaient alors l'activité économique de la région :
► d'abord les foires, à Clérans, Beauregard et Monclard (points verts sur la carte) où se traitaient les affaires "locales",
► et puis surtout le port de Mouleydier, l'accès à la Dordogne, par lequel transitait un commerce important et plus lointain avec les villages de l'amont (le bois) et surtout de l'aval, vers Libourne et Bordeaux (les pavés, les piquets de vigne, les châtaignes, le vin...).
Comme le montre la carte ci-dessous, le pont de Liorac était un passage obligé pour les communes "du nord de la Louyre" qui devaient atteindre la rivière et pour "celles du Sud" qui souhaitaient participer aux foires.
Le conseil municipal instruit de tous les faits étalés dans le procès verbal signé par monsieur le maire et dont il vient d'entendre la lecture, également instruit de la nécesité de procéder sans délai à la réparation de la chaussée et du pont tel qu'il est poposé, sur le ruisseau de la loire entre les communes ci après désignées "Dépense en grosses réparations" évaluées à 1041 francs soient réparties de la manière suivante :
LIORAC commune sur laquelle doit être établi le pont supportera ------------------------ 441 F
MOULEYDIER qui tout à la fois est négociateur, agent du commerce et dépositaire de tous les revenus du pays, qui doit à ce canton tous ses succès sera porté ici pour ------------- 150 F
CAUSE DE CLAIRANS qui n'a que le passage de ses habitants et celui de ses bestiaux allant aux foires de Monclard et de Beauregard sera seulement porté ici pour ----------------30 F
SAINT LAURENT qui n'a également que le passage de ses bouviers supportera le même taux de ------------------------ 30 F.
SAINT FELIX commune importante qui n'a d'autre passage que le notre pour arriver à la Dordogne qui doit même en partie nous être réuni et qui peut être se plaindra de la difficulté de notre pont pour éloigner la réunion proposée, doit naturellement en supporter la 1/10e partie qui est de ----------------------------------------- 104 F
BEAUREGARD dont tout le commerce se rapporte à Mouleydier et dont le transport difficile exige la sureté du passage payera --------------------------------50 F
CLERMONT situé au nord de notre commune ne pouvant arriver à la Dordogne sans passer sur notre territoire, néanmoins à cause de son peu d'étendue payera seulement ------------- 40 F
FOULAYE (Fouleix) également situé et peu étendu sera également porté pour -----------------------40 F
VERGT comune très peuplée ayant deux églises et un commerce très étendu dont les voituriers gémissent des obstacles que leur présente la destruction de notre pont, qui sans cesse appellent du secours, qui offrent des sommes(?) partiels et qui n'ont absolument aucune autre communication pour arriver à Mouleydier, unique entrepôt de leurs marchés doit naturellement supporter ------------------------------- 120 F
ST GEORGES commune étendue mais qui a plusieurs issues pour le transport de ses denrées, qui néanmoins n'a d'autre passage pour aller à Mouleydier et aux foires de CLAIRANS, dont plusieurs habitants possèdent des propriétés sur notre territoire au delà du ruisseau payera----------------------- 36 F

TOTAL : 1041F

 
Liorac doit donc trouver des fonds donc augmenter les impôts !
Le conseil municipal vote que la commune de Liorac soit imposée additionnellement jusqu'à concurrence de la somme de 441 F
et demande que cette répartition soit faite dans le cours de deux années dont la première commencera avec l'exercice que l'on comptera quatorze (an 14)
Fait et délibéré dans la maison commune par les membres du conseil
le même jour et an que dessus, le 25 pluviose de l'an 13.
Signé LATOUR maire.
 

TOUT SEMBLAIT DONC REGLE en FEVRIER 1805, mais c'était sans compter les volontés du préfet : sa réponse arriva 4 mois plus tard, le 22 juin 1805 augmentant la participation de Liorac à 561F, et en imposant une modification du type de financement : "la plus grosse partie devant être payée par des prestations en nature".
(Jusqu'au début du XXe siècle, il était possible de s'acquitter des impôts par des journées de travail ou par la fourniture de matériaux.)
RESULTAT : plusieurs mois de retard pour les réparations et une nouvelle séance du Conseil Municipal de Liorac fin juillet pour régler le problème en satisfaisant aux demandes du préfet !
Et le pont n'était toujours pas réparé !
Suivent tous les détails de la répartition des journées de travail : seront exclus de la liste les habitants les plus pauvres qui doivent travailler journellement pour assurer leur subsistance et qui ne payent pas ou peu de contributions directes.
La journée de travail d'un ouvrier est fixée à 1F50 (par comparaison, un kilo de pain coûtait environ 0,25 F en 1805)
Un bouvier est payé 4 F par jour, donc davantage, mais il fournit ses bêtes et sa charrette.
La somme de 416 F correspondant aux prestations en nature équivalait donc à environ 277 journées de travail : Liorac avait alors 680 habitants, et on peut considérer que la remise en état du pont a nécessité à peu près 1 journée de travail par Lioracois en état de travailler.
La direction et la surveillance des travaux sont confiés à 6 personnes, une par jour de la semaine, essentiellement des fils de famille, qui n'avaient probablement pas de compétence particulière pour faire réaliser les travaux, mais qui devaient plutôt relever les noms des ouvriers présents sur le chantier et les marchandises fournies.
Séance extraordinaire du 2 thermidor de l'an 13 (21 juillet 1805)
Le conseil municipal, réuni dans la lieu ordinaire de ses séances sur la convocation faite par monsieur le maire le 25 du mois dernier, entend la lecture d'une lettre de monsieur le préfet datée de Périgueux le 3 messidor dernier (22 juin 1805), ainsi que celles des arretes des 30 germinal an 11 et 4 pluviose an 12, le tout relatif à notre mode de prestation en nature pour la réparation et l'entretien des chemins vicinaux, cette lettre appelle le conseil à délibérer tant sur la proposition qui y est faite de faire exécuter les réparations du pont de la louyre non de la manière qu'elle a été votée par le conseil le 25 pluviose dernier (en impôts additionnels) mais par le mode de prestation en nature ainsi qu'il est réglé par les arretés précités. Il résulte de ces propositions que de 1041 F, montant du devis estimatif fait à l'occasion des réparations à faire au pont dont il est question, 561 F devront être à la charge de la commune de liorac et fourni scavoir 416 francs par prestation en nature et 144 en prestation pécuniaire volontaire, tout considéré, le conseil arrête :
1- la prestation en nature sera fournie pour quatre cents seize francs. La distribution des journées de travail est faite par le rolle (sic !) dressé entre tous les habitants en proportion de leurs facultés.
2- Ne seront point compris au rolle (sic !) ceux qui sont obligés de travailler journellement pour assurer leur subsistance ou dont les contributions directes ne s'élèvent pas à la somme de 5 francs
3- Les propriétaires forains (i.e. qui n'habitent pas Liorac) faisant exploiter des biens ruraux avec boeufs et charrettes par leurs métayers ou fermiers ne seront compris au rolle (sic !) que pour moitié de la prestation qu'ils auraient dû fournir s'ils avaient habité la commune, cette moitié répond à la portion d'impot payée par les métayers.
4- La journée de travail demeure fixée à un franc cinquante centimes.
5- La journée de travail du bouvier conduisant sa charrette attelée d'une paire de boeufs est fixée à six francs.
6- La contribution directe et totale de la commune, ...est reconnue pour l'an 13, monter à la somme de 5319 francs.
7-La somme de quatre cent seize francs sera suportée (sic !) par tous les contribuables de la commune ...
8- sont nommés inspecteurs des travaux pour les six jours de la semaine, messieurs :
◊ paulhiac membre du conseil pour le lundi, jean chassaigne père pour le mardi,
◊ lapierre du bourg pour le mercredi, la Tissanderie fils aîné pour le jeudi,
◊ Latour fils aîné pour le vendredi et Paulhiac jeune pour le samedi.
9- les inspecteurs seront chargés de diriger les travaux et de tenir état des ouvriers qui se seront rendus à l'attelier (sic !) , ainsi que de la nature et la quantité des matériaux qui auront été fournis.
 
10- le maire chargé de faire exécuter le travail, l'est aussi de requérir les contribuables de fournir les journées auxquelles ils seront imposés au rolle (sic !) ...
11- les réquisitions seront notifiées aux contribuables par le secrétaire de la mairie à la diligence du maire qui en donnera l'état aux inspecteurs lesquels remettront au maire un état certifié jour par jour des contribuables qui n'auront pas exécuté les réquisitions.
12- Les contribuables qui n'auront pas exécuté les réquisitions seront contraints à payer à titre de taxe de remplacement le montant des journées de manoeuvre ou de bouvier d'après la fixation établie aux articles 4 et 5 de la présente délibération.
13- les sommes provenant de la taxe de remplacement seront employées à l'exécution des travaux. Le maire en rendra compte chaque année dans la même forme que pour les autres revenus et dépenses de la commune.
14- A l'égard de la prestation pécuniaire volontaire(!) fixée à 145 francs par la lettre du préfet portant répartition entre les 10 communes circonvoisines qui ont intérêt à la réparation du pont, il sera dressé un état nominatif de tous les propriétaires habitant cette commune qui ont le plus grand intérêt à cette réparation soit par la situation de leur établissement au delà du ruisseau soit par celle de leur propriétés environnantes et autres considérations, lesquels seront invités par le conseil à payer cette somme de 145F en raison des différents degrés d'utilité que leur sera le rétablissement du pont.
1810 UN "MARIAGE DE L'EMPEREUR" À LIORAC

@ Marie-France Castang-Coutou
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