Paroles de poilus de Liorac
pendant la guerre de 14-18

La guerre de 14-18 a été l'occasion de nombreux éhanges épistolaires entre les soldats et leurs familles. La lettre, envoyée ou reçue, était pour eux le trait d'union avec leur vie d'avant la guerre et constituait une bouffée d'air pur, de bonheur.
Les lettres retrouvées à Liorac sont les lettres de soldats, les lettres envoyées par les épouses n'ont pas été conservées et on ne perçoit parfois leurs écrits qu'à travers les réponses et les réactions de leur mari à leurs propres lettres.
Les lettres ne sont pas toujours faciles à déchiffrer : elles sont écrites avec un crayon bleu qui avait une mine contenant une matière colorante et qu'il fallait mouiller pour écrire et "l'encre" est parfois effacée De plus les cartes sont écrites en "phonétique", sans ponctuation ni orthographe ! Pour faciliter la lecture les fautes ont été corrigées.
Je tiens à remercier ici toutes les personnes qui m'ont aidée dans cette collecte : Mmes Odile DARNIGE, Laurette DELARUE, Annie LEYGUE et Annie MAURY.
Il y a sans doute encore beaucoup de lettres et de photos enfouies dans les tiroirs, pensez y si vous lisez ces pages.
Merci !
 

La correspondance de Julien FAVARD et Rachel Andrieux, son épouse :
Les cartes de Jean (dit Julien) FAVARD, un des soldats Morts pour la France inscrits sur le Monument de Liorac, à son épouse Rachel ANDRIEUX ont été soigneusement conservées par l'épouse dans un gros album. Voici leur histoire !

Rachel ANDRIEUX : née à Daglan en 1884, elle était installée à Liorac où elle tenait un hôtel. Où était cet "hôtel"? L'album de cartes a été trouvé dans le grenier de la maison Parouty, dans le virage en haut du bourg. La maison est petite, a-t-elle pu abriter un hôtel ?

Julien FAVARD :
né en 1885 (classe 1905) à la Restarie, commune de Liorac, de Jean FAVARD et Marie MALLET .
En 1906, au moment de son service militaire, il habitait Bordeaux. Il revint à Liorac pour épouser en 1908 Berthe Valeton, la fille du cordonnier. Julien Favard a été lui même cordonnier à Liorac. Berthe Valeton mourut en 1910 à Liorac. Il se remaria à Daglan en 1912 avec Marie Rachel Andrieux. Ils étaient donc encore de jeunes mariés lorsque la guerre éclata.

Son parcours de guerre : il fut affecté au 37ème Régiment d'Infanterie Coloniale (RIC) basé à Toulon. Après quelques jours d'instruction complémentaire, le régiment partit par voie ferrée de Toulon à Monthuel dans le Sud-Est, puis fut affecté au détachement d'Armée des Vosges et arriva le 18 août 1914 à la Chapelle-dessous-Bruyères (Vosges). De là les soldats gagnèrent Saint Dié par voie de terre. Le régiment ne tarda pas alors à se mesurer à l'ennemi :
le 27 février 1915, c'est l'attaque de la Chapelotte :
Julien écrira à son épouse le 12 mai 1915 (le contrôle de censure n'était pas encore en place, et c'est la seule carte qui parle explicitement des combats.)

Chère Rachellou
Je t'envoie trois vues de la Chapelotte où le 37e a eu de violents combats et où il s'est couvert de gloire par son entrain et sa bravoure.

 
Par la suite, il ne va plus indiquer de lieu, mais envoie des cartes postales des villages où il passe.
Ainsi le 11 janvier 1915 :
(la guerre de 1914 dans les Vosges, Raon-l'Etape, incendié volontairement par les Allemands)
"Je t'envoie ces cartes catastrophes de la guerre. Ici on ne voit que ça, c'est commun les maisons brûlées.
Tu embrasseras tout le monde en attendant la classe que nous attendons avec impatience."

Julien présente son périple comme une "grande randonnée" touristique qu'il illustre avec des cartes postales effaçant la guerre et ne laissant que l'impression d'un voyage dans des endroits magnifiques et inconnus.
 
Ainsi le 18 mars 1915, il envoie une carte montrant la vallée de Celles dans les Vosges :
"Chère Rachellou,
Toujours plus heureux que jamais. Il ne me manque que ta présence. Je compte revenir près de toi très bientôt. Ton Jula qui vit comme un touriste.


Et le 18 avril 1915 il envoie une carte de St Dié ("La guerre dans les Vosges 1914-1915"- Saint Dié avant l'occupation allemande, Prisonniers devant l'Hôtel de Ville).
Cette missive ne donne que peu d'informations mais se veut rassurante :
"J'ai bien reçu ta lettre du 14. Suis en parfaite santé. Suis toujours bien pressé. De 2 ou 3 jours je ne pourrais t'écrire longuement. Ton Jula pour la vie."
 
Et le 11 mai 1915, une carte de Moyenmoutier (Vosges) :
"Chère petite amie, encore une carte, tu dois en avoir une collection de ma grande randonnée. Ton Jula, un gros poutou."

Le 23 mai 1915, une carte de l'abbaye d'Etival. Celle ci je la connais, c'est magnifique, c'est un petit palais. Je termine en t'embrassant beaucoup fort comme disent nos amis les ANGLAIS. embrasse bien mes parents et beaux parents pour moi, encore un gros poutou."

Mais même s'il ne peut en parler, les combats continuent :
► le 22 juin 1915, c'est l'affaire de la Fontenelle: le 37e RIC (dont la 20ème Compagnie, celle de Julien) reçoit l'ordre d'effectuer des contre-attaques pour reprendre une position, la côte 327, prise par les Allemands après de violents bombardements. Pendant l'une des contre attaques, l'ennemi déclenche un puissant tir de barrage avec des obus de gros calibre. Les troupes sont complètement décimées et la progression devient impossible. Le bilan est très lourd, 38 tués, 215 blessés et 35 disparus.
Julien FAVARD est tué ce 23 juin 1915 à la Fontenelle, et son épouse ne recevra plus de cartes postales...

Il écrivait le 13 février 1915 : "Je n'ai pas encore pu me faire photographier, nous attendons tous les jours le photographe mais il ne vient pas vite."
La photo a donc été prise entre février et juin 1915.
 
sources :
Sur Gallica, Le 37ème bataillon d'Infanterie Coloniale
Sur le site des Archives Départementales de la Dordogne, la fiche matricule de Julien Favard
Sur le Site Mémoire des Hommes, Morts pour la France
 

@ Marie-France Castang-Coutou
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