La guerre de 14-18 a été l'occasion de nombreux éhanges épistolaires entre les soldats et leurs familles. La lettre, envoyée ou reçue, était pour eux le trait d'union avec leur vie d'avant la guerre et constituait une bouffée d'air pur, de bonheur.
Voici les cartes d'un Lioracois, Bernard "Poutet" Gauville, adressées à son épouse et à sa fille pendant l'année 1915.
La censure impose le silence sur les détails des opérations. Et comme il n'y a guère de place pour écrire sur une carte postale, les sujets sont très limités, la santé, la nourriture et l'envie de rentrer au pays retrouver les siens. Les mêmes phrases reviennent donc sans cesse. Seul le choix des cartes indique la région où se trouve le soldat et donne une idée de ce qu'ils subissent et des dégâts énormes causés par la guerre : les cartes postales sont impressionnantes !
Je tiens à remercier ici Mme Odile DARNIGE qui a retrouvé ces documents de son grand père et qui a eu la gentillesse de me les prêter.
Il y a sans doute encore beaucoup de lettres et de photos enfouies dans les tiroirs de Liorac, pensez y si vous lisez ces pages. Merci !
La correspondance de bernard "poutet" gauville
avec son épouse berthe gonnard et sa fille jeanne
Sa famille :
Né en 1884 à la Tissanderie, commune de Liorac, Bernard GAUVILLE était un fils de Jean et Anne LOZEILLE, métayers à la Tissanderie.
(Il avait un frère plus jeune, Justin Gauville né en 1895, qui s'est particulièrement distingué durant la guerre et a été décoré de la Légion d'Honneur.)
Bernard "Poutet" (d'où vient ce surnom ?) GAUVILLE a épousé en 1908 à Liorac Marie Berthe GONNARD et une fille Jeanne est née en 1912.
Son parcours militaire (1):
Il fit son service au 108eRI à Bergerac, puis campagne contre l'Allemagne du 3 août 1914 au 20 mars 1919.
Il fut transféré au 73eRI (2) le 1er février 1918. Ce changement de régiment ne lui porte pas chance puisqu'il est fait prisonnier à Soissons, et reste en captivité du 3 juin 1918 au 20 novembre 1918. Rapatrié, il revient au 108e RI du 22 novembre 1918 au 20 mars 1919. Après plus de 4 ans sous les drapeaux, il est envoyé en congé illimité et se retire à Liorac. Il décèdera à Liorac en 1968 et son épouse Berthe GONNARD lui survivra jusqu'en 1974.
Sa correspondance :
Comme tous les soldats, il envoie des cartes postales à son épouse et écrit aussi à sa fille pourtant encore très jeune. La censure impose le silence sur les détails des opérations. Et comme il n'y a guère de place pour écrire sur une carte postale, les sujets sont très limités, la santé, la nourriture et l'envie de rentrer au pays retrouver les siens. Les mêmes phrases reviennent donc sans cesse. Seul le choix des cartes indique la région où se trouve le soldat et donne une idée de ce qu'ils subissent et des dégâts énormes causés par la guerre.
Carte du 30 avril 1915 du pont de Lagny (Seine et Marne)- Guerre de 1914-1915 Pont de Lagny- Bridge of Lagny-LL n°82
Ma chère petite femme,
Je t'écris ces deux mots pour te dire que je suis toujours en bonne santé. Tu me demandes si je bois toujours du vin, je te dirai que je ne bois pas d'eau. Je touche deux quarts par jour et je ne suis pas mal pour la nourriture. Je t'embrasse bien fort sans oublier personne. Gauville Bernard.
et le même jour, il envoie une carte à sa fille du Pont de Lagny-Thorigny- The bridge of Lagny Thorigny. LL n°57
Ma chère petite Jeanne,
je t'écris ces deux mots pour te dire que ton papa pense toujours à toi et qu'il t'embrasse bien fort ainsi que ta mère et tous. Je suis toujours en bonne santé. Gauville Bernard.
Carte du 16 mai 1915 : château de Boulogne la Grasse (Oise)
Etonnant château construit en béton armé par un original dans un style moitié médiéval, moitié Renaissance qui fut occupé dès septembre 1914 par les soldats français que l'on aperçoit d'ailleurs sur la carte postale.
Ma chère petite femme, je t'écris ces deux mots pour te dire que je suis toujours en bonne santé, sois toujours pareille. Je t'embrasse bien fort sans oublier ma petite Jeanne.
Carte du 25 mai 1915 Compiègne- Guerre de 1914-1915 -le pont -The destructed bridge.LL 173
Ma chère Berthe,
J'ai reçu ton mandat, je t'en remercie beaucoup, mais tu n'as pas besoin de m'en envoyer si souvent. Je ne me gêne pas. Je reçois tous les jours des lettres de toi et j'en suis content. C'est toujours pareil, je suis toujours à la même place. Je ne suis pas trop malheureux pour être en guerre, mais il me tarde que ça soit fini, mais je crois quand même que ça pourra pas durer bien longtemps de plus. Je t'embrasse mille fois. Quand je serai de retour je t'en dirai plus long. Gauville Bernard.
Carte du 20 mai 1915-Pont Ste Maxence-Destruction du pont- The destructed bridge
Ma chère petite Jeanne,
Ton papa qui t'embrasse bien fort. Tu embrasseras ta mère pour moi et ta mémé.
Je suis toujours en bonne santé. Gauville Bernard.
Carte du 9 juillet 1915 de ERCHES (Somme)- Un aspect du pays.
Ma chère Berthe,
Je t'écris ces deux mots pour te dire que je suis toujours en bonne santé, je voudrais que ma carte te trouve de même.
Je t'avais dit que je comptais changer. Nous avons changé mais nous avons conservé notre salle de bain??? jusqu'à ce qu'on aura établi un autre ???
Je ne suis pas malheureux pour être en guerre. Je t'envoie le village où je suis. Je t'embrasse bien fort sans oublier ma petite Jeanne ni personne.
Gauville Bernard
Bernard Gauville est sans doute resté encore quelques jours à Erches car il envoie encore trois cartes montrant l'église le 10, le 16 et le 17. Sur la dernière du 17 juillet, on sent poindre sa lassitude.
Carte du 17 juillet 1915 de ERCHES (Somme)- Guerre 1914-1915 L'Eglise.
Ma chère Berthe,
Je t'écris ces deux mots pour te dire que je suis toujours en bonne santé, je voudrais que ma carte te trouve de même. Je te dirai qu'ici le temps est bien vilain, il pleut toujours, suis toujours pareil. Je crois que ça finira jamais. Je t'embrasse bien fort sans oublier ma petite Jeanne ni personne. Gauville Bernard.
Carte du 23 juillet 1915 de BOUCHOIR (Somme) : une ferme bombardée
Ma chère petite fille
Je t'écris ces deux mots pour te dire que je suis toujours en bonne santé et je voudrais que tu sois de même. Je t'embrasse un million de fois. Tu embrasseras tous les parents pour moi.
Quand j'irai en permission, je t'apporterai une jolie bague. Ton papa qui pense toujours à toi. Gauville Bernard.
Carte du 3 août 1915 de Bouchoir (Somme) (Guerre 1914-1915 : Eglise de Bouchoir, l'obus a éclaté dans le mur et a tout détruit. La Vierge n'a pas été touchée.
Ma chère Berthe, je t'écris ces deux mots pour te dire que je suis toujours en bonne santé et je désire que tu sois de même.
Je n'ai écrit à personne qu'à toi.
Tu donneras des nouvelles de moi à nos parents.
J'ai recours qu'à toi car personne ne m'envoie rien que toi.
J'ai besoin de rien pour le moment. Je t'embrasse fort.
Carte du 1er novembre 1915 de Bouchoir adressée à Mme Berthe GONNARD (cachet de Liorac du 17-11-1915)
Je suis en bonne santé, je vous embrasse. Gauville Bernard.
Carte (non datée) Le Pont de Chemin de fer entre Amiens et Rouen détruit par les Allemands.
Ma chère petite Jeanne,
Je t'écris ces deux mots pour te dire que je suis toujours en bonne santé et je voudrais bien que tu soies de même. Quand je reviendrai, je t'apporterai une jolie bague. Je t'embrasse mille fois, tu embrasseras les parents pour moi. Ton papa qui pense toujours à toi. Gauville Bernard.