Saint-Avit-Sénieur est un village de Dordogne situé à l'est de Beaumont sur une petite hauteur, autrefois appelée "Mont Dauriac". Au moment de la Révolution, la commune fut crée sous le nom de Montavis et ne prit son nom actuel qu'en 1812 : Avitus ou saint Avit fut un ermite qui vécut plus de 40 ans près de ce village (le mot senieur vient du latin senior, "l'ancien").
La caractéristique la plus remarquable du village est la présence d'une gigantesque église (1) édifiée aux XIe et XIIe siècles en l'honneur de saint Avit, jouxtant les ruines d'une abbaye (2-6). Comme on peut le voir sur la photo aérienne (Google Maps) le village est blotti autour de cette église fortifiée et des restes de son abbaye. La position élevée de ce site offrait des facilités défensives, ce qui ne l'a tout de même pas protégé des attaques diverses (Albigeois, protestants ou Anglais).
Une autre particularité de ce village est sa situation sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle qui part de Vézelay . La réputation de St Avit attirait des foules de pélerins, venant se recueillir sur son tombeau en allant ou en revenant de Saint-Jacques-de-Compostelle.
A ce titre, son église a été classée au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1998.
Qui était Saint Avit (490-570) ?
Il n'y a pas d'écrit racontant la vie de ce Saint, mais la tradition nous rapporte la légende suivante :
Varennes, "le petit Lanquais" serait son village natal. Issu d'une famille noble, Avitus aurait été envoyé par son père au service des Wisigoths d'Alaric II et aurait donc combattu contre les Francs. Il aurait été fait prisonnier après la victoire de Clovis. Il se convertit alors au christianisme, et après avoir eu une vision, il revint en Périgord pour détruire un temple consacré à des idoles païennes situé au mont Dauriac, ce qu'il accomplit avec une simple prière. Avitus fit de nombreuses guérisons miraculeuses et mena pendant plus de 40 ans une vie d'ermite dans un abri près du village. Il construisit un petit sanctuaire dédiée à Notre-Dame (ND du Val) . Il mourut en 570, déjà âgé pour l'époque (d'où sans doute le vocable "senior, l'ancien"). Une inscription gravée sur une pierre de l'église de St Avit Sénieur indique que ses restes furent transportés en 1118 dans cette église, mais son tombeau n'a jamais été localisé.
Ci-contre sa statue dans l'église, bien trop richement habillée pour représenter un ermite.
Derrière la statue, on remarque de délicates peintures murales (datées du XIVe siècle) dont les motifs rappellent des tissus orientaux. Dans une niche des chapitaux trouvés lors des fouilles, qui correspondent à la première église. En effet, selon les spécialistes, une première église a été construite sur le site actuel et a existé jusqu'au milieu du XIe siècle. Que s'est-il passé ensuite, accident, guerre, incendie ? on peut tout imaginer dans ces périodes troublées. Quoiqu'il en ait été, l'église fut détruite. Seul un de ses murs a subsisté, et fut incorporé dans la nouvelle construction.
Une église gigantesque (1)
L'église actuelle a été ensuite construite : plusieurs inscriptions gravées dans la pierre de l'église permettent de placer sans ambiguité le début de la construction de l'église actuelle à la fin du XIe siècle : en effet, elles relatent et datent certains évènements, en 1117 la consécration d'un autel en l'honneur de St Jean-Baptiste et de St Jean l'évangéliste, en 1118 le transfert dans l'église des restes de St Avit, et en 1142 la consécration de l'autel St Jacques.
Les dimensions exceptionnelles de cette église - un long rectangle de 55 m de long et de 23 m de large- apparaissent gigantesques pour un si petit village ! Mais les moines bâtisseurs avaient sans doute prévu assez grand pour accueillir les foules attirées par la renommée du Saint et les nombreux pélerins qui allaient ou revenaient de St Jacques de Compostelle. En effet, c'est à partir du XIe siècle, que le pèlerinage de Compostelle devint un des grands pèlerinages de la Chrétienté médiévale.
L'église domine le village du haut de ses deux clochers. L'église abbatiale était fortifiée pour protéger les moines et les habitants du village. En effet l'endroit subit plusieurs guerres, conflits cathares au XIIIe siècle, Guerre de Cent Ans au XIV-XVe qui a mis à feu et à sang l'Aquitaine opposant le royaume d'Angleterre à celui de France pour la souveraineté et le contrôle des fiefs de Guyenne et enfin au XVIe siècle les guerres de religion qui ont déchiré le Périgord, protestants dans la région de Bergerac et catholiques dans le Sarladais.
Le clocher nord, partiellement détruit présentait des créneaux. Un chemin de ronde faisait le tour de l'église permettant sa défense sur tous les côtés.
La façade ouest présente un porche roman, sans décoration, surmonté d'une bretèche à crénelage. De là, les occupants pouvaient jeter des pierres et tirer des flèches ou carreaux d'arbalètes sur les assaillants.
En pénétrant dans l'église, le visiteur ne peut être qu'impressionné par la beauté architecturale de l'édifice !
La nef est constituée par trois travées, séparées par des piliers massifs d'environ 3m de large qui supportent les voûtes. Une quatrième travée terminée par un chevet plat constitue le sanctuaire avec l'autel. Certains auteurs pensent que ces énormes piliers étaient prévus pour supporter des coupoles byzantines comme à St Front de Périgueux ou St Nicolas de Trémolat. Ont-elles été commencées puis détruites pendant une guerre ? Ou bien ont-elles été prévues au début de la construction de l'église, puis le projet aurait-il été abandonné quand les premières voûtes gothiques sont apparues ? Laissons la polémique aux spécialistes et admirons les superbes voûtes gothiques qui s'élèvent à plus de 20m.
Les clefs de voûte des trois travées sont décorées de motifs représentant une main bénissant, un évêque et au plus près du choeur l'agneau avec une croix.
Toute la voûte de l'église est décorée d'un réseau géométrique peint avec une grande régularité et qui n'a pas dû être facile à réaliser à une telle hauteur !
A l'entrée de l'église, un chapiteau de l'ancienne église (IXe siècle) sert de bénitier.
Cachées sous le badigeon, et décorant les arcs romans du premier niveau, des peintures murales du XIVe siècle ont été mises à jour.
l'abbaye (2-6)
était contigue à l'église (1). Elle fut détruite par les Anglais au moment de la guerre de Cent Ans, et il ne reste actuellement que des ruines des bâtiments les plus anciens, qui permettent cependant d'apprécier l'importance et d'imaginer le rayonnement de cette abbaye. Voici quelques images : les numéros sur la photo satellite permettent de se repérer.
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Le cloitre (4) était à l'abri du mur sud de l'église. C'était une enceinte fermée réservée aux moines avec une galerie couverte (on voit encore dans les murs les emplacements des poutres qui supportaient le toit) entourant un jardin avec un puits. Depuis ce cloître, il était possible d'accéder à l'église par la sacristie (2) et directement à la salle capitulaire (3) qui possède trois ouvertures vers le cloitre.
Une porte dans le mur d'enceinte du cloître permettait de communiquer avec des bâtiments abbatiaux aujourd'hui disparus.
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La cave, lieu de stockage des réserves des moines est reconnaissable grâce à ses arcs romans. Un étage et une galerie couverte furent ajoutés au XVIIe siècle à cette partie romane et le bâtiment transformé en presbytère a encore fort belle allure. Des traces d'autres bâtiments sont visibles au sol entre le presbytère et le mur du cloître.
Plusieurs sarcophages mérovingiens (datant du V ou VIe siècle) ont été mis à jour avec l'emplacement caractéristque taillé dans la pierre pour maintenir la tête du défunt :
le village possède plusieurs vieilles maisons dont la maison du prieur (avec une inscription au dessus de la porte) et une autre avec un cadran solaire sur sa façade. On peut remarquer les fenêtres à meneaux, courantes dans l'architecture du Moyen-Age et de la Renaissance.
Sources :
◊ Paul Fitte, L'église et l'abbaye de Saint-Avit-Sénieur. Vieilles églises en Périgord sous la direction de Dominique Audrerie, collection Centaurée, PLB éditeur, 1991.
◊ Jean Secret, Saint-Avit-Sénieur, dans Dictionnaire des églises de France, 3-b, 1967, p 157.
◊ panneaux explicatifs sur le site de l'abbaye.
◊ les photos illustrant cette page sont des photos personnelles.